Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« 2° Les transitions extratonales entraînent un déplacement du centre harmonique, un transfert du système tonal au cours de l’œuvre. Toute relation avec le système abandonné a pris fin ; la base harmonique du nouveau ton est tantôt un son sans fonction harmonique dans le ton antérieur, tantôt une des toniques subordonnées de celui-ci, laquelle, élargissant ses fonctions, s’établit tonique autonome. »

Quant à la théorie des accords « équisonans » absurdement nommés enharmoniques, elle se trouve magistralement exposée dans le chapitre sur la polyphonie du chroma intégral qui sert de conclusion à l’ouvrage : « chaque couple d’intervalles embrassant plus de six et moins de douze quintes devient, par l’effet du tempérament de notre système, équisonant avec deux intervalles embrassant moins de six quintes, c’est-à-dire deux intervalles diatoniques. Par l’effet du tempérament, les seize intervalles compris dans la série du chromatique intégral se trouvent physiquement réduits sur nos instrumens aux six couples d’intervalles diatoniques. »

Il y a corrélation directe entre cette théorie des accords équisonans et l’exposé des spirales de quintes du début de l’ouvrage : les deux thèses se déduisent et restent étroitement liées ; elles encadrent le tableau.


Quel regret d’avoir à parcourir aussi rapidement un livre dont chaque page, chaque ligne présente un intérêt, où chaque mot a son utilité, un livre qui a été longuement médité et qui fait penser ! Ni pédanterie, ni sécheresse ; à tout instant l’imprévu : associations d’idées du passé au présent ; abstractions qui semblent prendre corps dans un exemple caractéristique ; vous êtes plongé dans une question de technique sévère, une comparaison, une citation, et la fenêtre s’entr’ouvre à un rayon de soleil. Ce n’est pas un code, un froid recueil de décrets et d’ordonnances ; ce sont les résultantes des lois de la nature et les lumineuses déductions de quelques principes reconnus par tous.

Je le disais au début de cet article : si Gevaert avait écrit un Traité de contrepoint et de fugue, sans autres élémens d’instruction que la collection de ses ouvrages, on pourrait savoir la musique : « Après le Contrepoint et la Fugue, ne reste-t-il donc plus rien à apprendre ? » — Pardon ! L’architecture musicale ; mais on l’apprend aussi bien par les yeux que par les oreilles, et