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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/42

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même jour par des femmes ou filles qui ne veulent pas se mettre à la nuit dans ces chemins affreux, vu qu’il m’est onéreux et même impossible d’envoyer exactement à chaque courrier, sans prévoir qu’il doive rien m’arriver pour cet ordinaire, et de renvoyer un autre exprès porter ma réponse ; enfin tous ces inconvéniens mettent souvent un intervalle de plusieurs jours entre l’arrivée d’une lettre et la possibilité de ma réponse ; je vous prie donc de faire entrer cette considération dans le temps que vous me laissez pour vous répondre et qui ne doit pas être calculé comme si j’étais à Bourgoin.

Grand merci de votre cahier de musique. Il m’est d’une grande ressource pour prendre patience, mais l’épinette y manque bien pour ce moment-ci. La musique, comme vous dites fort bien, ne réchauffe pas ma chambre, mais heureusement le bois ne me manque pas encore, et j’ai même eu de quoi en faire quelque petite part à mes voisins, que la neige qui les a surpris quand ils ne l’attendaient plus a mis hors d’état d’aller au bois. Mes autres provisions sont à la vérité tout à fait à leur fin : nous n’aurons vraisemblablement point de vin à emporter, et nous n’avons plus de farine que pour une petite fournée. Eh bien ! que s’ensuit-il de là ? que les choses impossibles cesseront de l’être pour me tirer d’embarras ? Non, belle Dame, il s’ensuit tout autre chose : c’est qu’il est inutile de regimber contre la nécessité. C’est une philosophie que j’ai eu le temps d’apprendre et qui, je l’avoue, est plus à mon usage qu’au vôtre, mais qui, plus ou moins, est la leçon de tous les mortels. Nous vous saluons, chère cousine, l’un et l’autre de tout notre cœur.

Je suis bien sensible à la bonté qu’a la maman de vouloir bien envoyer son domestique : mais je ne vois point que cela soit nécessaire.


[A Madame de Lessert.]


À Monquin, 17 — 70

J’espère enfin, chère cousine, avoir les chemins assez libres pour aller faire mes Pâques avec vous ; la neige a fondu dans la campagne, et la pluie qui se prépare me promet de la fondre aussi bientôt dans nos chemins creux. Sur cette attente, je vous propose de vouloir bien envoyer les voitures la semaine prochaine