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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/420

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des Languedociens une race un peu dure, mais sérieuse, énergique, patiente et sobre, furent étouffées par le goût du luxe, l’imprévoyance, le désir de la vie facile et les besoins d’une vanité vulgaire. Les villes s’agrandirent par des constructions trop riches et sans véritable élégance ; dans les villages, les maisons nues et grises s’ornèrent de balcons inattendus. Chaque paysan voulut avoir un salon : il le payait fort cher, mais il n’y entrait jamais que le jour de la fête, pour étonner les amis qu’il y amenait. L’histoire de celui qui avait acheté un piano à chacune de ses filles est bien connue, et elle paraît véridique, car les marchands de Montpellier et de Toulouse se souviennent du temps où les jeunes paysannes des environs venaient leur demander ce qu’ils avaient de plus cher, se préoccupant seulement de payer leurs robes ou leurs chapeaux cinquante ou cent francs de plus que leurs voisines. En même temps, les mœurs se relâchent, les débauches les plus bêtes s’étalent sans gêne... »

La responsabilité des viticulteurs de la zone méditerranéenne apparaît déjà très lourde par la folie de la terre à tout prix, le gaspillage pendant les années grasses, la monoculture de la vigne substituée à la pluriculture ; elle s’aggrave encore de ce fait que la plupart ne se sont pas outillés pour conserver le vin en cave ; et ce défaut de matériel suffisant, de vaisselle vinaire, augmente l’armée des besogneux qui, toujours forcés de vendre à tout prix, empêchent le relèvement des cours. De plus, par ignorance des soins à donner, ignorance stupéfiante pour les vignerons de la Gironde, beaucoup de vin se gâte lorsqu’il passe l’été chez le producteur, et ce vin avarié, recherché par les faiseurs qui le retapent et en tirent bon parti, paralyse la vente du vin normal. Le Midi ayant déjà connu des prix de ruine de 5 à 10 francs l’hectolitre, la prévoyance la plus élémentaire commandait d’amortir ou de modérer les plantations, de rembourser les créances hypothécaires, d’économiser pour l’avenir. Mais allez donc faire comprendre à des prodigues que l’économie est une seconde récolte ! Beaucoup travailler soit, beaucoup dépenser aussi, vivre au jour le jour, telle était la devise des cigaliers languedociens, demeurés poètes en face de la terre. La viticulture était devenue une industrie, et toute industrie comporte des risques spéciaux, des calculs savans, des combinaisons à longue échéance qu’on pourrait appeler la diplomatie économique. Et enfin, au lieu de songer aussi à la qualité, on sacrifia