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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/422

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qui se logent et se nourrissent à leurs frais. Les premiers, qui viennent des départemens voisins, Ardèche, Lozère, Tarn, attirés dans le pays bas par les hauts salaires, fournissent à la région des vignes « une sorte d’armée de réserve qu’on appelle ou qu’on licencie suivant les besoins, plus dociles, moins adroits, chargés en général des travaux exigeant plus de force que d’habileté. L’opinion, affirmait le docteur Guyot en 1867, est que le travail d’une femme de l’arrondissement de Narbonne vaut mieux que celui d’un de ces hommes. » On nomme mésadiers ceux qui sont loués au mois. Les gages varient suivant les saisons, les contrées et le mérite des individus ; d’après un règlement de la ville d’Arles de 1676, en décembre et janvier l’ouvrier ne gagne que sa nourriture ; aujourd’hui, les gages sont payés par douzièmes, ou bien l’on distingue seulement entre les mois d’hiver et les mois d’été. Près d’Arles, ils sont de 45 francs en moyenne, entre Montpellier et Lunel 32 francs l’hiver et 38 francs l’été, autour de Béziers 23 à 35 francs. 50 francs semblent le prix moyen pour un premier charretier dans les plaines de Montpellier, Lunel, Beaucaire. Les femmes touchent 18 à 25 francs par mois. Le logement est déplorablement insuffisant ; même dans les grands domaines d’aménagement récent, il advient que le logement se compose de deux dortoirs communs, où la paille tient lieu de lit, où, le long des murs, une simple planche supporte les effets. La nourriture s’est améliorée, mais elle laisse encore à désirer, au gré des intéressés ; plus de pain de seigle, partout du pain de froment, du vin au lieu de piquette, la viande une fois par jour, fournie par ce qu’on nomme la racaille des troupeaux, par les vieilles brebis stériles. En hiver, les ouvriers sont nourris à la petite dépense, en été à la grande dépense, celle-ci représentant un peu plus de vin et d’argent, que le propriétaire confie à un domestique marié, loué à l’année, le baïle dans le Gard, le païré près de Montpellier, le ramonet en Narbonnais et Biterrois. La femme de ce serviteur (baïlesse, maire, ramonète) prépare les repas des gens de la ferme, ne reçoit pas de gages, se rattrape sur les fournitures et allocations, ce qui forcément amène des désordres et des plaintes ; mais rien de plus tenace que les abus invétérés. Quelques propriétaires, frappés de l’absurdité du système, prennent une femme (la tante), qui reçoit un salaire et nourrit les valets aux frais du maître. La nourriture est alors bien meilleure et le travail s’en ressent. On calcule