vingt-cinq jours ; mais le cabaret, le jeu, les boutiques font bien des victimes. Pour se garantir contre les menaces de grèves, de nombreux propriétaires essaient aujourd’hui du système des vendanges à prix fait, traitent avec un entrepreneur qui se charge de recruter, de payer les vendangeurs et de fournir chaque jour une quantité fixée de raisins ; ils donnent les charrettes et les paniers pour le transport.
Deux sortes d’ouvriers du pays : les petits propriétaires forcés de demander au travail salarié un supplément de ressources ; les ouvriers sans propriété ou possédant parfois une maison, vivant uniquement de leurs salaires.
Habiles aux travaux délicats de la taille et du greffage, d’esprit indépendant, ombrageux, mais sensibles à un bon procédé, à une parole affectueuse, habitués à travailler par équipe et ayant besoin de causer, de plaisanter pour faire leur tâche avec entrain, tels nous les montre leur historiographe M. Augé-Laribé, dans une étude bien documentée. La journée de travail est plus courte qu’ailleurs dans le Languedoc ; six, sept, huit heures au plus, ce qui s’explique par l’éloignement des exploitations et le souvenir de l’époque où, la plupart des journaliers, étant propriétaires, voulaient garder du temps pour cultiver leurs propres vignes. Là-bas l’équipe s’appelle cole ou bricole, ayant à sa tête un chef ouvrier (baïle, patron, meneur, ou chef de bricole) qui donne le signal de l’arrêt ou de la reprise du travail : il a la montre, disent-ils dans leur langage pittoresque. Naturellement les salaires ont suivi la fortune du vignoble ; d’ailleurs ils varient avec les saisons, avec les régimes, même de village à village ; en général, on peut compter que 2 fr. 50 est un prix normal. Je sais une grande exploitation dont les ouvriers vinrent un beau matin trouver le régisseur pour lui annoncer qu’ils se mettaient en grève. Lui de s’exclamer : « Mais pourquoi vous mettez-vous en grève ? — Pour obtenir la journée de 2 fr. 50. — Mais le maître vous donne 3 francs ! » Là-dessus nos hommes furent un peu embarrassés. « Oui, nous savons cela, nous sommes très contens, et nous ne nous plaignons pas de notre sort, tout au contraire ; mais que voulez-vous, c’est par solidarité. Les camarades de... n’ont que 2 fr. 35, le comité de la grève a décidé, et nous marchons. Mais nous vous aimons bien. — C’est absurde ! — Oui, c’est absurde, mais nous sommes forcés d’agir ainsi ; nous n’en serons pas moins bons amis, et