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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/442

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l’Inspecteur général, répliqua le préfet, je le sais parfaitement ; mais cette année-ci, nous ne pouvons rien faire ; nous sommes dans une année d’élections, et obligés de passer des traités avec les fraudeurs, sans quoi nous perdrions nos élections. » Et l’abus n’a fait que s’accentuer. Pour quel chiffre la moyenne et la petite fraude entrent-elles dans le calcul de l’inspecteur des Finances ? Je ne sais, mais assurément pour une grosse somme. Car non seulement les viticulteurs dépassent la quantité de sucre permise pour leurs vins artificiels, mais beaucoup ont conclu des arrangemens avec les grands fraudeurs qui, en payant la récolte authentique un peu plus cher, obtiennent la permission de travailler tout à leur aise dans les chais et caves du client pendant plusieurs mois, de telle sorte que le consommateur s’imagine acheter un vin loyal ou vin de raisin, et reçoit un vin frelaté, un vin de sucre fabriqué, mais qui porte l’estampille du cru, et part directement de l’endroit où se trouve le vignoble. J’ai rencontré bien des gens qui excusent cette complicité, et cependant elle constitue une fraude.

Ici, quoi qu’on ergote, pas de doute ; d’ailleurs on ne conteste que pour la forme. Mais là où les gens du Languedoc s’indignent, se révoltent, c’est quand les puristes ou les propriétaires du Bordelais dénoncent ce qu’ils appellent la fraude par substitution. On peut d’ailleurs se demander si les viticulteurs du Midi qui vendent leurs vins, sachant que ceux-ci vont servir à fabriquer les vins célèbres de la Gironde, commettent une faute, non certes devant la loi, mais devant la stricte morale. Un Girondin m’écrit à ce sujet : « Nous comptons, pour remettre toutes choses au point, sur la loi du 1er août 1905 ; car nous souffrons surtout des fraudes par substitution. Tous les remèdes efficaces pour le Midi le seront pour nous ; mais, comme il ne saurait y avoir surproduction de vins de qualité, toute notre ambition se borne à ce qu’on nous laisse jouir sans trouble de notre privilège de Bordelais. Grâce à nos associations locales, nous saurons faire appliquer la loi si jamais elle est promulguée (elle ne l’a pas été à cause d’un vice de procédure parlementaire), et la matière ne manquera pas. Le secret désir de tous les Méridionaux est de faille du bordeaux. Les gens de Saint-Jean-de-Baron (Aude), — le village qui le premier a répondu à l’appel du comité d’Argeliers, — disaient récemment à un rédacteur de la Revue de Viticulture : « En 1906, notre commune a récolté