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Soucis, regrets, remords, vains efforts, lourdes peines,
Qu’avec leurs cris plaintifs repoussent lentement
Vers un oubli trop bref en des ombres lointaines
La bonne lassitude et l’assoupissement.

Mais parfois, s’échappant de la troupe morose,
Un souvenir plus rare a suspendu son vol,
Et, parmi les parfums réveillés de la rose,
S’attarde à roucouler ainsi qu’un rossignol :

Frais écho d’un instant de félicité pure
Surpris dans l’ennui morne et froid des temps perdus,
Baiser d’amour qui passe ou d’amitié qui dure,
Un beau site admiré, de beaux vers entendus.

Tandis qu’il vocalise et module en artiste
L’hymne mélodieux qu’il aime à répéter
La sombre nuit s’étoile et perd sa robe triste :
Et le sommeil est doux qui vient à l’écouter.


TARDIF RETOUR


J’avais peur de revoir ces bois aux pentes douces
Dont les sentiers dormans sous l’épaisseur des mousses
M’avaient connu tout jeune et vu suivre souvent
Leurs détours, à l’abri du soleil et du vent.
L’homme fragile en lui sent tout changer si vite !
Il se plaît à penser qu’ici bas tout l’imite,
Et que le monde entier, souffrant du même sort,
Chaque jour, comme lui, s’use et glisse à la mort.
J’avais peur de revoir, sous les fières hêtrées,
Ces clairières, par l’or des couchans diaprées.
Où, nonchalant, dans l’herbe odorante étendu,
Vers le ciel frais j’avais tant de fois entendu
Comme un vol d’étourneaux babillards qui se lève
Monter mes premiers vers avec mon premier rêve.