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à louer les Allemands et les Flamands, les ayant trouvés tous d’une très grande loyauté et bonne foi, jusqu’aux plus pauvres et misérables d’entre eux, de même, pour ce qui est des Français, ayant eu à souffrir d’eux un tel vilain tour, je me trouve contraint de ne point dissimuler le vrai à leur sujet ; et, donc, il est certain que, dans toutes les provinces françaises, — omission faite des gentilshommes, qui nulle part ailleurs ne vivent d’une manière plus brillante et plus libérale, — les gens du peuple m’ont paru, à l’ordinaire, plus vicieux qu’on ne peut l’imaginer. » Évidemment le vol de cette « bougette, » avec sa « dizaine de ducats, » a été pour Beatis un « vilain tour » difficile à oublier ; et l’on ne peut s’empêcher de regretter qu’il ne lui soit pas arrivé, au moins une fois, pendant son voyage d’Allemagne, d’avoir à faire connaissance en personne avec ces « brigands » dont il s’est plu à nous rapporter maints exploits savoureux, racontés par des compagnons de table ou des aubergistes. Mais la sévérité de son jugement sur le caractère français est, à nos yeux, amplement compensée par l’enthousiasme que lui inspirent, tout au long de son « itinéraire, » la beauté pittoresque des plages, des rivières, des parcs et jardins, la magnificence des églises et châteaux, la splendeur élégante des fêtes, et surtout l’incomparable excellence de la cuisine française. Au fond, et malgré la rigueur singulière de ses conclusions, nous sentons que ni en Allemagne ni en Flandre, ni même dans sa « belle Italie, « la vie ne lui a été aussi agréable qu’en France, avec une variété délicieuse de plaisirs où les sens n’avaient pas moins de part que l’esprit ; et c’est à chaque pas que nous le surprenons en train d’envier, non sans une tentation de les imiter pour son propre compte, ces aimables hôtes dont il nous dit qu’ils n’ont point leurs pareils pour « aimer à s’amuser et à vivre gaiment. »


Chose curieuse, Paris est peut-être l’unique grande ville française dont il n’ait pas emporté une impression favorable. Au contraire de Lyon, dont l’apparence « italienne » l’a tout de suite ravi, et dont il nous fait une description vraiment poétique dans sa simplicité, la capitale du royaume, telle qu’il l’a vue d’abord du haut de Notre-Dame et qu’il a eu ensuite tout le loisir de l’examiner de plus près, lui a paru une énorme cité plus étrange que belle ; et il n’y a pas jusqu’à sa cathédrale qui ne lui ait déplu, tandis qu’il avait infiniment admiré les églises de Rouen, et que bientôt la cathédrale de Bourges, ainsi que la Sainte-Chapelle voisine, allaient lui faire épuiser tout son répertoire d’épithètes louangeuses. Mais son antipathie ne l’a pas empêché de