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plaît surtout à forcer les cerfs. Le jour de l’Assomption, Sa Majesté s’est confessée et a communié, ainsi qu’elle a coutume de le faire aux diverses fêtes de l’année, afin d’obtenir ainsi le privilège de guérir les pauvres gens atteints de scrofule...


Mais combien plus intéressante encore est, pour nous, la relation de la visite que le cardinal et son compagnon sont allés faire, dans un faubourg d’Amboise. quelques mois plus tard, à l’un de leurs plus illustres compatriotes, qui s’était retiré là pour attendre paisiblement la mort, en bon chrétien, après une longue vie pleine d’efforts et de rêves !


Sa Seigneurie et nous avons été voir, dans sa maison, messire Léonard Vinci, Florentin, vieux de plus de soixante-dix ans, et l’un des plus excellons peintres de notre âge. Il a montré à Sa Seigneurie trois tableaux : le portrait d’une certaine dame de Florence, peint au naturel, jadis, sur l’ordre de feu le magnifique Julien de Médicis, une figure de Saint Jean-Baptiste tout jeune, et enfin une Vierge avec l’Enfant assise sur les genoux de Sainte Anne, — toutes trois œuvres infiniment parfaites. Il est vrai que, désormais, ledit maître Léonard ayant été atteint d’une paralysie du bras droit, on ne peut plus attendre de lui d’autres belles choses : mais il a fort bien instruit un élève, venu de Milan, qui travaille excellemment sous sa direction. Et quoique le susdit maître ne puisse plus colorier avec la douceur qui, autrefois, lui était habituelle, du moins il s’emploie à faire des dessins et à surveiller le travail des autres. Ce gentilhomme a composé un traité d’anatomie appliquée à l’usage de la peinture, où, d’une façon absolument nouvelle, il a étudié, sur le corps des hommes et des femmes, toutes les relations réciproques des membres, tels que muscles, nerfs, veines, jointures, intestins, et le reste. Il nous a montré ce traité, et nous a dit qu’il avait disséqué plus de trente corps d’hommes et de femmes de tout âge. Il a également écrit une foule de livres sur la nature des eaux, sur diverses machines, ainsi que sur d’autres sujets qu’il nous a cités ; et tous ces livres, écrits en italien, seront une source précieuse d’agrément et de profit lorsqu’ils viendront au jour.


« Une source précieuse d’agrément et de profit, » c’est aussi ce que va être pour nous, maintenant que le voilà « venu au jour » après quatre siècles, cet Itinéraire d’Antonio de Beatis, dont je regrette de n’avoir pu donner qu’une idée forcément bien incomplète ; et personne désormais ne pourra manquer d’y trouver en abondance ce mélange « de plaisir, d’instruction, et de sagesse, » que l’on a vu que le chanoine napolitain, avec un naïf orgueil le plus excusable du monde, promettait déjà aux lecteurs de son temps.


T. DE WVZEWA.