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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/509

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autant que possible, les puissances secondaires ; elle défend toujours la tolérance et la liberté religieuses. En même temps, elle appuie les porteurs de Dette ottomane. La France est une grande exportatrice de principes et de capitaux.

Ce sont ses plénipotentiaires qui soumettent au Congrès un article (devenu article LXII du traité) assurant à tous les cultes la liberté, l’égalité devant les tribunaux, l’accession aux emplois, aux honneurs, etc. Ces mesures, applicables même dans les pays détachés de l’Empire ottoman ou obtenant une administration autonome, n’allèrent pas sans difficulté, notamment pour les Israélites de Roumanie et, ici, la motion française se heurta à une vive opposition des plénipotentiaires russes ; mais l’Angleterre était entièrement favorable à la proposition, qui fut soutenue également par le prince de Bismarck. L’égalité des cultes devient, pour la première fois, la loi contractuelle de l’Orient.

C’est la France également qui introduisit au Congrès les réclamations territoriales de la Roumanie et de la Grèce. La lutte fut ardente autant que les intérêts étaient complexes, et si le Congrès ne ratifia pas entièrement ses initiatives, il en tint compte, puisqu’il attribua à la Roumanie un complément de territoire, de Rassova à Silistrie, ainsi que le delta du Danube avec l’île des Serpens ; de même, conformément à une proposition française, il accorda, en principe, une importante rectification de frontière à la Grèce, en Épire et en Thessalie (art. XXIV), les puissances restant médiatrices entre la Turquie et la Grèce, en cas de difficulté. La France proposa, par extension de l’article XXII du traité de San-Stefano, le droit de protection officielle des ambassades sur les ecclésiastiques, les pèlerins et les moines voyageant dans la Turquie d’Europe et la Turquie d’Asie, ainsi que sur les établissemens religieux, dans les Lieux-Saints et ailleurs (art. LXII).

Ses plénipotentiaires, entrés si timidement d’abord et avec tant de précautions, s’étaient sentis peu à peu raffermis et portés en quelque sorte par la force de leur situation. On se montrait empressé à leur égard ; on enregistrait leurs moindres avis ; on leur confiait les besognes délicates de médiation et de rédaction. Et personne plus que le prince de Bismarck ne veillait à faciliter et à ennoblir leur tâche. Quel changement ! C’est que personne mieux que le prince ne comprenait l’importance de l’adhésion de la France à l’œuvre des puissances maîtresses