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mobiliser, équiper et entretenir les 30 000 hommes envoyés en Macédoine. Quelque temps auparavant, dès les derniers mois de 1875, le gouvernement britannique avait fait procéder à une enquête sur la situation des fonds égyptiens et il avait favorisé la création, par l’intermédiaire de l’Anglo-Egyptian Bank (février 1876), d’une banque nationale destinée à gérer les affaires du khédive. La France était intervenue au nom de ses propres créanciers. A partir de ce moment, les porteurs de fonds, les bond-holders, furent les instrumens des deux politiques en Egypte et menèrent le train.

La France fut rapidement distancée : en mai 1876, création de la Caisse de la Dette publique sous la haute surveillance de commissaires européens. En décembre 1876, création du contrôle à deux, qui fut l’origine du condominium ; les contrôleurs généraux sont l’un anglais et l’autre français ; ils sont chargés l’un des recettes, l’autre de la comptabilité et de la Dette publique ; ils assument, en un mot, toute la responsabilité de la gestion financière en Egypte, sans toutefois avoir l’autorité nécessaire pour arrêter le flux des dépenses.

Après la guerre de Turquie, la caisse étant vide, une enquête nouvelle est ordonnée par décrets khédiviaux du 27 janvier et du 30 mars 1878. Une commission internationale, dont un Français, M. de Lesseps, avait la présidence nominale, et un Anglais, sir Rivers Wilson, la présidence effective, reçoit les pouvoirs les plus étendus.

A partir de ce moment, on sent la main anglaise, plus forte et plus pressante que jamais, dans les affaires égyptiennes. Sur les lieux, les choses se précipitent. L’agent français au Caire écrit :


Je me rappelai alors toutes les phases de la période qui venait de s’écouler et toutes les offres faites si témérairement aux Anglais, par le khédive, d’un gouverneur général ou d’un ministre prépondérant. Sans doute, ces propositions avaient été déclinées à Londres, comme inopportunes ou prématurées, mais elles n’y avaient soulevé ni étonnement, ni indignation… Tous ces symptômes me mettaient dans une singulière défiance à l’égard de nos alliés. Ce n’était pas de l’intérêt des créanciers et de la liquidation financière qu’il allait désormais être question, mais du sort même de l’Egypte[1].

  1. Baron des Michels, Souvenirs de carrière (p. 181).