Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/610

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

émanant de l’ambassadeur de France à Madrid, et annonçant l’envoi à Paris, comme émissaire secret, d’un jeune homme de vingt-deux ans, l’abbé de Porto-Carrero ! Voilà donc Dubois renseigné par plusieurs voies différentes, et tous ses limiers en campagne.

Dès 1717, le gouvernement de la Régence avait cru entrevoir les premiers symptômes d’une conjuration menaçante. On était sur ses gardes. Etait-ce la Fronde qui recommençait ? L’année suivante, la situation devint plus tendue. Le lit de justice du 26 août 1718 acheva de dégrader le duc du Maine, qu’on jugeait trop uni au Parlement. Saint-Simon a raconté en traits de feu cette séance fatale aux légitimés. Ce dernier coup de foudre fit éclore la conjuration. Mme la Princesse, la veuve d’Henri-Jules, la sage et chrétienne Anne de Bavière, n’était point favorable au projet, Mme du Maine s’efforçait d’atténuer aux yeux de sa mère sa propre responsabilité, de se disculper devant elle, de lui faire croire que M. le Duc, son ennemi juré, avait causé tout le mal.

Elle était outrée. Comme toujours, c’est à son mari qu’elle s’en prit tout d’abord. Précipitamment rappelée de l’Arsenal, où elle s’était réfugiée, pendant la fameuse séance, il lui fallut bien, cette fois, évacuer les Tuileries. Elle en eut une attaque de nerfs ; elle injuria le duc du Maine, pour s’être ainsi laissé chasser sans résistance. On l’emporta à demi morte, plongée dans un accablement « semblable à un sommeil léthargique, dont on ne sort que par des mouvemens convulsifs[1]. »

Il ne lui restait plus qu’à brûler ses vaisseaux. Elle voulut encore auparavant faire auprès du Régent une dernière démarche. Elle eut la hardiesse d’aller le trouver au Palais-Royal et se répandit devant lui en récriminations audacieuses. Elle osa lui parler avec véhémence du procès des princes du sang contre les bâtards. Elle lui dit en face, en lui montrant ses deux fils : « Je les élève dans le souvenir et dans le désir de venger le tort que vous leur avez fait[2]. »

Philippe ne répondit mot. Quand sa belle-sœur sortit de son cabinet, elle se montrait contente de l’effet de ses menaces ; Saint-Simon prétend qu’elle laissait le Régent plus satisfait encore de lui avoir persuadé de s’en aller contente. Le

  1. Mémoires de Mme de Staal.
  2. Saint-Simon, Mémoires.