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« Votre Éminence trouvera dans ce paquet deux différentes minutes de manifestes, que nos ouvriers ont composées, croyant que, quand il s’agira de mettre le feu à la mine, elles pourront servir de prélude à l’incendie… En cas que, pour notre malheur, nous soyons obligés de recourir aux remèdes extrêmes, et de commencer les entreprises, il sera bon que Sa Majesté choisisse une de ces deux voies, et qu’Elle examine l’écrit où nos partisans lui proposent les moyens nécessaires pour l’accomplissement de nos désirs. » Cellamare envoyait en même temps à Alberoni un catalogue des noms et des qualités de tous les officiers français qui demandaient, disait-il, de l’emploi dans le service de Sa Majesté.


IV

Chose étonnante ! Tandis que les arrestations se succèdent[1], les révélations du complot laissent Philippe d’Orléans assez indifférent sur ce qui le menace de la part de ses ennemis. « Ils n’oseraient ! » se plaît-il à répéter. La Palatine est moins calme et s’indigne des embûches tendues à son fils. « On dit que c’est une bagatelle !… chercher à révolter tout le royaume et tous les Parlemens contre le Régent !… Une bagatelle ! méditer le projet de l’assassiner !… On a les brouillons de toutes les méchantes lettres espagnoles écrites par Malézieux, devant le lit de la duchesse du Maine, et corrigées, ou de la main même de la Duchesse, ou de celle du cardinal de Polignac. » Un message de Cellamare à Alberoni atteste en effet que le duc et la duchesse du Maine sont les chefs de la conspiration. On y lit que « le roi d’Espagne a donné de l’argent au Duc, pour l’aider à payer ou à corrompre ses agens. » Plusieurs de ces individus reconnaissent même avoir conduit Cellamare chez la Duchesse, et avoir tout négocié entre les conjurés. Le doute n’est plus possible. Le jour de Noël, après la séance du Conseil, poussé par Dubois et Saint-Simon, le Régent, sortant de sa torpeur, apprend en grande confidence au duc de Bourbon que son oncle et sa tante ont été reconnus complices du prince de Cellamare. Il consulte M. le Duc sur le sort qu’il convient de leur assigner.

  1. Toutes les lettres de cachet sont conservées aux manuscrits de la Bibliothèque de l’Arsenal, dans un dossier très réduit par une ancienne expurgation sans doute, mais encore très curieux, de la conspiration de Cellamare.