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de marquer sa surprise et son dépit. » Pas une larme d’ailleurs. Elle déblatère par instans et par soubresauts contre la violence qui lui est faite. La voilà séparée des siens et même de sa confidente habituelle, déjà embastillée. En parlant de cet arrachement, Mme de Staal écrira plus tard : « Ce fut la première émotion que j’éprouvai. La reine de Sceaux prit, pendant tout le trajet, les airs d’une souveraine détrônée en partance pour l’exil.

A Essonne, première couchée, le 30 décembre, le duc d’Ancenis quitte la Duchesse, pour aller rendre compte de sa mission au Régent. Il remet Mme du Maine entre les mains de l’exempt des gardes, le jeune de la Billarderie, qui a bon cœur et se laissera facilement attendrir. Mme du Maine en abusera tout le long du chemin. Elle demande à aller moins vite, à s’arrêter plus longtemps à chaque étape. Elle veut savoir où on la mène. On lui répond : « A Fontainebleau, » pour ne pas lui dévoiler encore sa vraie destination. Très exigeante, elle réclame un chirurgien, un tapissier qui lui prépare sa chambre, à l’arrivée au gîte. Le 4 janvier 1719, sa mère va le demander au Régent ; mais Philippe, ennuyé de cette démarche, ne s’engage à rien. Tout le long du trajet, Mme du Maine passe de l’imprécation à la tristesse contenue. Elle se plaint de tout : de la rudesse de la voiture, de l’indignité du traitement. Il est vrai que la berline était si mauvaise qu’elle faillit se briser en cours de route. Le ministre Le Blanc dut emprunter le carrosse de Mgr Bouthillier de Chavigny, archevêque de Sens, pour la fin du trajet, entre Auxerre et Dijon. « Je sais bien, écrit-il, que la proposition est un peu extraordinaire ; mais je suis persuadé en même temps que, dans la triste situation où cette princesse se trouve, vous vous porterez aisément à me procurer cette espèce d’adoucissement. »

L’ordre était d’abord, pour La Billarderie, de marcher sans s’arrêter, à moins, disent les instructions de Le Blanc, que la Duchesse ne s’arrêtât « à un tel point qu’elle fût absolument hors d’état de soutenir la voiture. » C’est ce qui arriva à Auxerre, ou du moins La Billarderie le crut. Un docteur en médecine, membre de l’Académie des inscriptions, M. Falconnet, fut dépêché auprès de la malade. En dépit de ses récriminations, et comme le ministre l’avait recommandé, elle était entourée de soins et d’égards.

Par lettre du 29 décembre, Le Blanc avait annoncé à M. de