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la Briffe, l’intendant de Bourgogne, la prochaine arrivée de la prisonnière à Dijon, « où elle devait être détenue jusqu’à nouvel ordre sans avoir communication avec qui que ce fût, de vive voix ni par écrit. » Un ingénieur eut ordre de se transporter au château de cette ville, pour examiner l’aménagement à y faire, « en travaillant jour et nuit, sans relâche. »

Les gémissemens un moment calmés reprennent de plus en plus à l’arrivée en Bourgogne. Peut-être Mme du Maine avait-elle espéré « jouer à la captive » dans quelque résidence royale. Et maintenant, elle se rend compte que c’est à Dijon qu’on la conduit, et qu’elle a été trompée. Elle ignore que M. le Duc a demandé lui-même au Régent de ne pas l’incarcérer dans son gouvernement ; elle considère comme une mortelle injure d’être enfermée dans la capitale de son neveu. Elle s’écrie, comme Io :


Aux fureurs de Junon Jupiter m’abandonne.


Les plâtres, en plein hiver, n’ont pas eu le temps de sécher sur les murs de la chambre affectée à la prisonnière. En pénétrant dans cet appartement humide et froid, elle s’emporte contre l’horreur du lieu, contre la méchanceté de M. le Duc. Elle vomit contre ce duc, dit Saint-Simon, tout ce que la rage, soutenue d’esprit, peut imaginer de plus injurieux.

Ayant secoué toute pudeur vis-à-vis de sa tante, c’est M. le Duc qui se chargea lui-même des instructions adonner au commandant du château de Dijon, un officier en retraite nommé Desgranges, et à M. de Bierre, trésorier des États de Bourgogne. On envoie à Desgranges « douze officiers de l’hôtel des Invalides, » pour coopérer, avec ceux de la garnison du château, à un « service exact et régulier. » Trois valets de pied de la Duchesse ont tenu à la suivre et sont en route. « On n’a pas voulu les lui ôter pendant le voyage ; mais on ne leur permettra pas d’entrer au château de Dijon. Une tribune sera installée dans la chapelle « ou quelque autre endroit séparé, » d’où la recluse et ses femmes de chambre puissent assister au service divin « sans aucune communication avec qui que ce soit. » Les « officiers de la bouche » resteront au château pour y servir la Duchesse. Elle pourra recevoir les lettres de sa mère et il lui sera permis d’y répondre, seulement en présence d’un de ses gardiens. Papier, plume et encre lui seront retirés ensuite. Indifférente