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apprend les infortunes de Mme la Duchesse. Des partisans le circonviennent, l’intéressent au sort de la prisonnière. On remet à d’Affry un billet non signé, lui indiquant qu’on sait son désir de la voir pour se concerter avec elle ; que rien, s’il le veut, n’est plus facile. À tel endroit, au coin de telle rue de la ville qu’on lui désigne, il trouvera l’un des gens de Mme du Maine avec sa livrée ; le domestique aura ordre de lui faire endosser son habit avec lequel il pénétrera sans difficulté au château. Il n’y avait, lui disait-on, aucun danger. Cependant d’Affry se méfia de la vigilance du gouverneur de Dijon, qui serait sûrement instruit de la sortie du domestique, de la remise du billet, de la rentrée clandestine. Il trouva plus prudent de gagner Paris sans accepter l’offre. L’aventure n’eut d’autre suite que de parvenir aux oreilles du Régent, et M. d’Affry reçut une punition pour ses accointances illicites. Rebutée par l’échec d’une tentative dont elle était complice, la recluse se retourna du côté du pouvoir et n’eut plus qu’une idée : rentrer en grâce. Elle expédia un message à Philippe d’Orléans pour lui faire amende honorable et tâcher de justifier sa conduite, ce qui était difficile, à moins de mentir effrontément. Compta-t-elle, pour s’excuser, sur les ressources de son imagination ? En voici un spécimen. Elle écrivait, de sa plume fiévreuse : « Je vous jure devant Dieu, Monsieur, que dès le premier moment de mon malheur, je formai le dessein de me confesser à vous, et de me remettre entièrement entre vos mains. Comptant sur votre bonté et votre générosité, je voulus vous écrire, dès les premiers jours que je fus à Dijon. M. Desgranges n’y voulut pas consentir… je me flatte de ne rien oublier d’essentiel. Comme cette affaire est remplie d’une infinité de circonstances embrouillées, au cas qu’il m’en échappât quelqu’une, je vous supplie, Monsieur, de ne le pas imputer à un manque de volonté ou de sincérité, mais à un défaut de mémoire et à l’accablement où je suis de mes longues souffrances. »

Comme le ton a changé ! La lettre se poursuit ainsi, humble et prolixe, et si peu d’accord avec les coutumières fanfaronnades de la hautaine grande dame qui ne signe pas moins son long factum : « Louise Bénédicte de Bourbon. » D’ailleurs, nulle explication plausible de ses actes. Qu’eût-elle avoué devant un tribunal ? À la clarté d’un procès sensationnel, le Régent et Dubois avaient préféré la justice sommaire, la simple lettre de