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Blanche hésitait toujours, jouant d’une main distraite avec les glands de soie qui bordaient les revers de son corsage. Enfin elle dit :

— Et alors, malgré moi, j’ai pris parti pour Catherine, je l’ai défendue contre sa mère !

Le Fanois la regarda d’un œil étonné.

— Mais que veut-elle, cette enfant ? Je n’y suis plus.

— Mais si, vous y êtes, mon ami, car c’est vous qu’elle veut !

Elle lui lança cette parole sur un rire moqueur, comme si elle lui jetait un défi au visage.

Le jeune homme se leva vivement de son siège. Sa figure avait pâli, et il caressait distraitement sa moustache, comme pour cacher une contraction nerveuse de ses lèvres.

— Comment ? Qu’entendez-vous par là ? balbutia-t-il.

— C’est comme je vous le dis. Catherine prétend n’épouser que l’homme qu’elle aime, et c’est vous qu’elle aime.

Il restait debout devant elle, appuyant les deux mains sur le petit guéridon surchargé de bronzes qui les séparait.

— C’est moi, c’est moi ? répétait-il.

Blanche eut un petit rire moqueur.

— Voyons ! cela vous étonne à ce point ?

— À ce point, et au delà !

Il la regarda brusquement.

— Comment, vous croyez ?

— Mais non, mais non ! Je sais très bien que vous avez joué cartes sur table. Seulement, ce n’est pas la première fois, n’est-ce pas ? que l’on s’éprend de vous sans que vous y soyez pour quelque chose ?

Il haussa les épaules avec un geste de mépris ; puis il se détourna, arpenta une ou deux fois la pièce, et revint se placer en face de la jeune fille.

— Mais la mère, la mère ne consentirait sans doute jamais ? demanda-t-il brusquement.

Une vive rougeur baigna le visage de Blanche Lambart, et elle se leva aussi.

— Alors vous, vous consentez ? dit-elle, le regardant bien dans les yeux.

Il rougit aussi, et se mit à tordre ses gants entre ses doigts nerveux.