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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/706

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— Moi, moi ? Mais, je n’en sais rien, je demande seulement...

— Eh bien, l’affaire est bouclée. J’ai obtenu le consentement de Mrs Smithers.

Il la regarda, ébahi.

— Vous l’avez obtenu ? Comment donc ? C’est incroyable !

— Mais non. Au fond, c’est une bonne femme. Elle adore sa petite Catherine ; pour rien au monde, elle ne consentirait à la rendre malheureuse. A nous deux, Catherine et moi, nous avons eu vite fait de vaincre ses résistances. Catherine fera un mariage d’amour, et c’est elle, Mrs Smithers, qui fera le grand mariage.

Le Fanois poussa un dernier cri d’étonnement.

— Comment, elle ? C’est elle qui voudrait épouser Sestre ?

— Oh ! je ne crois pas qu’elle aspire à remplacer sa fille. Mais nous trouverons bien quelqu’un d’un âge plus convenable. Vous vous en chargerez, n’est-ce pas ? Vraiment, elle n’est pas trop mal depuis qu’elle a maigri et qu’elle porte des robes foncées.

Blanche s’interrompit vivement.

— J’entends sonner, les voici qui reviennent.

Et, comme Le Fanois regardait autour de lui, cherchant un moyen de s’évader sans être vu, elle reprit en souriant :

— Non, restez. Vous savez que, dans ce milieu, on se dispense de formalités ; et j’ai promis à Catherine de vous retenir.

Elle ajouta doucement, en le quittant :

— Elle vous aime follement, soyez bon pour elle, n’est-ce pas ?


V

Six semaines plus tard, Jean Le Fanois arpentait de nouveau le salon doré de Mrs Smithers.

Cette fois, il s’y trouvait seul ; mais, quand il eut traversé la pièce plusieurs fois en long et en large, et piétiné nerveusement devant la belle pendule en bronze ciselé qui surmontait la cheminée, il entendit derrière lui un léger froissement de jupes, et se retourna pour aller au-devant de miss Lambart.

C’était la première fois qu’ils se voyaient depuis les fiançailles.