Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/716

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la préoccupation nettement affichée par l’Allemagne de ne permettre à aucune puissance de prendre au Maroc le plus petit pas sur les autres. Cette préoccupation, nous l’avons, nous aussi, éprouvée quelquefois, par exemple lorsque nous avons vu l’Allemagne se détacher du concert général pour se livrer à des actes d’un caractère tout personnel. Dans sa réponse à la note franco-espagnole le gouvernement impérial emprunte des armes au protocole pour se prémunir contre les velléités du même genre qui pourraient se produire, et il émet l’avis que « les conditions posées au Sultan doivent lui être présentées par la voie du corps diplomatique à Tanger représenté par son doyen. » Quel est, à Tanger, le doyen du corps diplomatique ? Nous l’ignorons : qu’il soit le représentant d’une grande ou d’une petite puissance, cela importe peu pour le rôle de facteur qu’on lui assigne. Personne, à coup sûr, ne fera d’objection au désir exprimé par l’Allemagne. La valeur d’une note dépend de la manière dont elle a été faite et des adhésions qu’elle a recueillies beaucoup plus que du choix de la main qui est chargée matériellement de la remettre : ici d’ailleurs il n’y aurait pas de choix.

Mais l’intention du gouvernement impérial est parfaitement claire ; on ne veut pas à Berlin, la note initiale ayant été préparée par la France et par l’Espagne, que le représentant de l’une ou de l’autre de ces deux puissances soit, pour ce seul motif, chargé de la remettre au Sultan ; on craindrait, si cela arrivait, que la France ou que l’Espagne ne parût, dans le champ clos marocain, dépasser les autres puissances d’une demi-longueur de tête, ce qui serait très grave. Avant que le texte de la réponse allemande fût connu, les journaux avaient annoncé que le droit d’une puissance quelconque à exercer une sorte de mandat au nom des autres y serait formellement contesté : l’observation dont il s’agit ici est sans doute le produit discret de cette préoccupation. Nous permettra-t-on de le dire ? Cette préoccupation n’a pas un caractère tout à fait aussi sérieux que celle dont s’inspirent d’autres parties du document allemand. Il est très vrai que, en dehors de la police qu’elles ont été chargées d’organiser dans les ports, la France et l’Espagne n’ont reçu aucun mandat des puissances ; mais n’est-ce donc rien que cette mission dont elles ont été investies d’assurer la sécurité des ports, et n’est-ce donc rien non plus que la reconnaissance expresse de leurs « intérêts spéciaux » qui a été faite à Algésiras ? Que la France et l’Espagne n’aient pas une situation privilégiée, soit, nous l’accordons ; mais c’est jouer sur les mots de ne pas leur reconnaître une situation particulière. Quand bien même la conférence