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s’unissent si volontiers sur le terrain commun de l’action sociale Les diverses Églises ne répugnent pas à y coopérer entre elles et avec les laïques. On a vu le cardinal Gibbons soutenir la campagne anti-alcoolique de l’Armée du Salut, prêter sa cathédrale aux meetings de cette société et s’en expliquer dans une fort belle déclaration.

Mais la forme la plus complexe, la plus originale, la plus féconde de l’action sociale aux Etats-Unis, c’est le settlement. Il installe à demeure la bienfaisance parmi la misère, la vertu ordonnatrice au sein même du chaos, la paix au milieu des tumultes. Il est le remède approprié à l’étendue et à l’urgence du mal. Les settlements se sont multipliés en moins de vingt années : on les compte aujourd’hui par centaines. Le plus célèbre et le plus important de tous est aussi le premier en date, celui qui a servi de modèle aux autres, Hull House, fondé en 1889 à Chicago par miss Jane Adams. On se représente aisément ce que peuvent être les détresses et le désordre dans une cité de 2 millions d’habitans, dont plus de la moitié sont nés dans le vieux monde, principalement en Allemagne, en Italie, en Russie et dans les diverses provinces de l’Autriche-Hongrie. « En attendant le passage, sinon toujours rapide, au moins presque assuré, de ces multitudes à la vie laborieuse et libératrice, » il faut soulager les souffrances urgentes, diriger les malades sur l’hôpital, procurer de l’ouvrage aux adultes, recueillir les enfans, attirer, adoucir, civiliser ces pauvres barbares[1]. Ce sera l’œuvre du settlement, cette colonie installée au cœur du pays qu’elle veut conquérir à la nation et à l’humanité. Des hommes et des femmes, unissant leurs bonnes volontés et leurs ressources, viennent vivre dans les quartiers les plus pauvres, les plus encombrés de misère. D’autres se joignent à eux comme auxiliaires et, sans s’établir à demeure, prêtent leurs forces ou leurs lumières. Tous travaillent à assainir, nettoyer, les rues, les maisons et les âmes, à purifier la vie physique et la vie morale, à assimiler cette masse énorme qui, une fois incorporée à l’organisme social de l’Amérique, recouvrera le trésor d’une âme nationale et échappera à l’avilissement, aux décompositions de la matière...

Cette régénération, cette œuvre de salut est, pour la plus grande part, l’œuvre des femmes. L’homme est accaparé par

  1. Félix Klein, op. cit., p. 148.