Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’autres tâches, impropre d’ailleurs à celle-là. Il faut s’y consacrer tout entier, lui apporter, avec son temps, le zèle ingénieux d’une charité capable d’aller au devant des misères, de les deviner, de les apprivoiser, de les adoucir. Seules, des femmes ont assez de loisir, de patience et de sympathie. À ces privilèges de leur sexe elles ajoutent, en Amérique, les avantages de leur éducation active et de leur condition indépendante. La possibilité d’une existence à. la fois libre et honorée en dehors du mariage dispose beaucoup de femmes à s’accommoder du célibat sans le considérer comme une disgrâce et sans s’estimer frappées par lui d’inutilité définitive. Nous voyons déjà la même disposition en Angleterre, où elle a une cause toute différente : l’excès de jeunes filles et la pénurie d’épouseurs. Aux Etats-Unis, la population masculine l’emporte au contraire de beaucoup, et c’est un lieu commun que la femme y est considérée et traitée comme un objet précieux et rare, infiniment recherché. Mais cet appoint en faveur du mariage est contre-balancé par deux conditions adverses : l’âpreté de la lutte pour la vie, qui tend vers la réussite tous les désirs et tous les rêves de l’homme ; ensuite, et surtout peut-être, le régime très répandu de la coéducation, qui habitue les jeunes filles à faire peu de cas des imbéciles. Tandis que les plus actifs des Américains sont souvent détournés du mariage par leurs rudes efforts, les jeunes Américaines gardent peu d’illusion sur les autres et montrent peu de goût pour eux : beaucoup de femmes gardent ainsi la libre disposition de leur avenir et de leurs énergies.

Les nécessités sociales, au milieu desquelles elles vivent et qu’elles sont capables d’envisager, leur ouvrent toute une carrière. Avec quelle ardeur raisonnée, méthodique, elles s’y engagent et y persévèrent inlassablement, c’est ce que tous les observateurs ont remarqué, admiré et signalé à notre admiration. Nul témoignage à cet égard n’est plus ample, plus précis, plus vivant que celui d’une de leurs sœurs étrangères, de la Française qui les connaissait si bien et qui nous les fit connaître, — avec toutes les choses de leur pays dont, pendant plus de trente années, elle entretint les lecteurs de la Revue, sous le pseudonyme de Th. Bentzon. Mme Bentzon nous a fait entrer dans quelques-uns de ces clubs de femmes qui, en un quart de siècle, depuis le New England Woman’s Club de Boston, et le Sororis de New-York, se sont multipliés jusqu’à être aujourd’hui