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de recevoir les ordres de Sa Majesté, tout en observant la marche ultérieure des événemens en France. » Si un représentant d’une grande puissance quelconque était rappelé de Paris, Pozzo di Borgo avait l’ordre de gagner aussitôt la frontière. « Quel que soit du reste, » — poursuit le vice-chancelier, — « le parti que vous croirez devoir adopter, il est de l’intention de Sa Majesté Impériale que vous considériez dès à présent vos fonctions d’ambassadeur comme suspendues de fait. Accrédité près Sa Majesté le roi Charles X, vous ne sauriez, dans cette qualité, entretenir des relations officielles avec les individus qui ont remplacé le gouvernement légitime… Par la même raison, Sa Majesté Impériale désire que vous quittiez l’hôtel de l’ambassade. Cet hôtel est une propriété du gouvernement français et il ne serait guère convenable que Votre Excellence y restât, acceptant pour ainsi dire l’hospitalité d’un pouvoir que nous ne saurions reconnaître comme légalement constitué. » En conséquence, il fut défendu au comte Pozzo di Borgo non seulement de reconnaître le nouveau gouvernement français, mais aussi de s’engager avec lui dans quelques rapports que ce fût, officiels ou officieux.


II

L’empereur Nicolas Ier ne s’en tint pas là. La dépêche d’août du comte Nesselrode se terminait ainsi : « l’Empereur avait déjà interdit à tout sujet français l’entrée dans ses Etats. Indépendamment de cette mesure de précaution, Sa Majesté a ordonné qu’il fût veillé à ce que ni la cocarde ni le pavillon tricolore ne puissent paraître chez nous. Il ne sera donc permis ni à un individu quelconque, ni à un bâtiment dans nos ports, d’arborer ces couleurs révolutionnaires. Tout navire arrivant sous ce pavillon sera renvoyé sur-le-champ. »

L’expulsion des bâtimens français des ports de Russie devait nécessairement amener la cessation de toutes les opérations commerciales entre les deux pays. L’exécution de semblables mesures par les autorités russes devait à juste titre être considérée par le gouvernement français comme un commencement d’hostilités. Refuser de reconnaître le drapeau tricolore, c’était refuser de reconnaître le gouvernement français et le roi Louis-Philippe lui-même.

Au reçu de toutes ces instructions, Pozzo di Borgo, après