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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/897

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prédestinée à un déchet inévitable. Cependant, quel que soit le terme, plus ou moins éloigné, où devra s’arrêter l’activité coopérative, un fait subsiste, c’est que les sociétés de consommation sont incitées à le reculer le plus possible, dans l’intérêt bien entendu des consommateurs associés. Pour s’assurer dans l’avenir le meilleur « prix de revient, » il ne faut pas, dès le début, exiger le prix de revient ; il faut savoir attendre.

Les coopérateurs tendront donc d’autant plus rapidement vers leur but, qu’ils auront réussi à dominer plus longtemps le désir naturel du bon marché immédiat. Selon le degré d’éducation auquel ils seront parvenus, ils souffriront que l’écart entre le prix de revient et le prix de vente soit plus ou moins sensible. Mais un écart s’impose, et les bonis ne doivent pas être intégralement distribués.


On dit encore, assez communément, que la coopération est « bonne pour les ouvriers : » c’est amoindrir singulièrement sa portée sociale. Si l’on considère les simples avantages qu’une Société coopérative peut procurer immédiatement à ses membres, l’importance de ces avantages apparaît d’autant plus sérieux, que le nombre des associés est plus considérable. Il semble donc bien-que la société doive favoriser son accès à tous les consommateurs, conservateurs ou socialistes, riches ou pauvres, « bourgeois » ou ouvriers. Et ce n’est pas seulement le nombre des participans qui importe, c’est la diversité de leurs aptitudes, qui se complètent pour assurer la meilleure conduite de l’entreprise. Enfin, en les réunissant heureusement, dans une collaboration quotidienne, pour la satisfaction d’intérêts visiblement semblables, l’Association garde, au profit de tous, toute sa valeur éducative. La Société coopérative n’est donc ni « bonne pour les ouvriers, » ni bonne pour les « bourgeois : » elle est bonne pour les uns et les autres, et à la condition que les uns soient associés aux autres.


La neutralité politique et confessionnelle des sociétés est la règle invariablement pratiquée en Angleterre, en Allemagne et en Suisse. Longtemps elle fut observée en France ; mais elle y est aujourd’hui singulièrement ébranlée. Quand on songe que, dans une même ville, il existe parfois une « fanfare » réactionnaire, et une « harmonie » républicaine ; que la politique s’est