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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/913

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presque éducative, et elle donne toujours de « bons résultats. » Le rayon de la boucherie, le rayon des tissus, ont parfois des pertes ; mais, par un admirable privilège, les bénéfices de la buvette sont toujours superbes : la buvette est le rayon d’or.

On a pourtant essayé, ça et là, d’éliminer au moins l’absinthe ; la Bellevilloise seule y a réussi. Il y a quelques années, sur la proposition de la citoyenne Barré, l’Assemblée générale de l’Égalitaire supprima, à l’unanimité moins sept voix, « la répartition de ce liquide pernicieux qui permet aux exploiteurs delà classe ouvrière de maintenir leur joug sur elle. » L’enthousiasme fut indescriptible ; mais, au cours de ma dernière visite à l’Égalitaire, j’ai appris avec étonnement que le « liquide pernicieux, » sans qu’on s’en fût vanté, avait reparu « à la demandé générale. » Nul doute que les exploiteurs de la classe ouvrière ne se soient frotté les mains !

Au moins, dans le cercle très réduit de leurs opérations, les coopératives parisiennes ont-elles procuré à leurs membres des avantages appréciables et réellement appréciés ? Les chiffres officiels vont nous fournir à cet égard une indication décisive.

D’après la statistique du ministère du Travail, 47 sociétés parisiennes, sur 51, comptent 89 217 membres, et le montant de leurs ventes s’est élevé, pour 1906, à 23 954 100 francs[1]. La consommation moyenne d’un membre est de 268 francs, soit moins de 75 centimes par jour ; chiffre bien minime, même si les achats n’embrassaient partout que les articles d’épicerie. Encore doit-il être considéré comme un maximum ; car il faudrait tenir compte de la contribution du public, admis dans près de la moitié des magasins coopératifs, depuis l’imposition delà patente. Il est donc certain que l’ouvrier parisien n’achète pas à sa coopérative la moitié de ses denrées alimentaires[2].

La statistique officielle ne fait pas connaître les bénéfices et les frais généraux ; mais j’ai analysé les bilans de toutes les sociétés que j’ai visitées, et me suis assuré que le montant du dividende ne dépasse pas 5 pour 100 en moyenne, tandis que

  1. Il n’y a en réalité que 41 sociétés de consommation, car on a compris dans ce nombre plusieurs restaurans et des sociétés dissoutes.
  2. La situation véritable est moins bonne que ne l’indiquent ces résultats ; puisque la statistique officielle a fait état des acquisitions sur remises effectuées par les sociétaires chez les fournisseurs agréés. Rien que pour l’Union P.-L.-M., dy XIIe arrondissement, et pour l’Association des employés civils, on a inscrit en excès, dans les recettes, 5 millions et demi de francs.