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vous autorise, d’un autre côté, à manifester en toute occasion, par votre conduite et votre langage, que la Russie et la France voulant la même chose, savoir la conservation de la paix, nous ne prévoyons aucun motif de mésintelligence et de rupture entre les deux pays, » si le Cabinet des Tuileries remplit la promesse de respecter les traités internationaux existans et respecte les frontières territoriales, actuellement reconnues.

Le comte Pahlen arriva à Paris en septembre 1835. Il fut aussitôt évident qu’on avait bien compris à Paris le véritable motif du rappel du comte Pozzo di Borgo et de la nomination de son successeur. Le premier était jugé trop aimable et trop courtois pour le gouvernement français ; le second devait montrer plus de froideur dans ses relations avec Louis-Philippe et ses ministres. Le comte Pahlen ne s’y trompa pas non plus : il se proposa comme but de montrer à la cour de France que la cour impériale n’entretenait avec elle quelques relations que pour la forme et par nécessité. Très compétent dans les questions militaires, il prit ses instructions au pied de la lettre et se tint sur une telle « réserve » que toutes relations d’affaires avec lui cessèrent d’elles-mêmes. A la fin de septembre, reçu par le Roi en audience solennelle, il prononça un discours et remit ses lettres de créance. Le Roi, écrit le comte, « a témoigné son désappointement, trouvant moi et mon discours secs et froids. Cette opinion est partagée par tous ceux qui en ont eu connaissance. Le résultat en est, de la part du Roi, une réserve extrême. Il ne manque en aucune occasion de me dire des choses polies, mais il ne m’a pas encore parlé sur les affaires, comme il le fait toujours avec mes collègues d’Autriche et de Prusse. »

Le comte Pahlen se rendait souvent aux soirées de la Reine, où se réunissaient tous les membres du corps diplomatique. Le Roi demandait des nouvelles de la santé de l’Empereur et des membres de son auguste famille, sans laisser tomber un mot sur la politique et les affaires. « L’agent de Russie, » écrivait Pahlen, « est mis à la queue de ses collègues. » On comprend que cette altitude du Roi fut aussitôt imitée par tout son entourage. Personne ne montrait de l’empressement à entrer en relation avec le nouveau représentant de Russie. Tous les militaires et même les ministres « l’ignoraient. » « De mon côté, » écrivait Pahlen au vice-chancelier, « tout en usant d’une politesse entière envers ceux qui veulent me connaître, je ne vais et je