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« On reconnaît une armée avec une armée, » a dit le maréchal Bugeaud, ce qui signifie que reconnaître l’ennemi, c’est préluder à une bataille.

Dans les premiers jours de la campagne de 1859 en Italie, le 20 mai, les Autrichiens firent, sur Voghera, une reconnaissance offensive, laquelle aboutit au combat de Montebello.

Le 6 août 1870, la 14e division prussienne exécuta une reconnaissance offensive au Sud de Sarrebruck, et tout le monde sait que la bataille de Spickeren en fut la conséquence.

Dans les deux cas, la reconnaissance offensive ne permit pas de rompre le combat et produisit une lutte ardente qui amena, pour les Autrichiens de 1859, la défaite, et pour les Prussiens de 1870, la victoire.

D’autre part, l’ordre de l’armée B pour la journée du 14 septembre ne laisse aucune initiative aux généraux subordonnés, car il règle en détail toutes les dispositions à prendre par les divisions et leurs détachemens, fixe la composition des troupes de liaison, en un mot, ne laisse aux divisionnaires et aux chefs des brigades de cavalerie que le soin de veiller à l’exécution.

Ce n’est pas ainsi que doit se comprendre l’exercice du haut commandement. Un ordre d’armée doit contenir les données des problèmes qu’ont à résoudre les subordonnés immédiats pour atteindre le but défini au préalable. Les ordres de cette nature doivent viser l’application la plus étendue de la loi de la division du travail, et non réduire les généraux au rôle de simples comparses.

L’ordre qui nous occupe est comme le frère de ceux rédigés à Paris, vers la fin de novembre 1870, pour le franchissement de la Marne à Joinville et environs, ordres longs, touffus, diffus, précisant les moindres dispositions à prendre et qui donnèrent lieu à une exécution déplorable, faute de n’avoir pas laissé aux généraux subordonnés le choix des moyens, lesquels varient avec les circonstances créées par l’ennemi ou par les élémens.

Depuis cette époque funeste, on a réalisé, chez nous, des progrès considérables sous le rapport du haut commandement, et en particulier, de la facture des ordres généraux ; aussi, est-on fâcheusement impressionné en lisant l’ordre de l’armée B, pour la journée du 14 septembre 1908.

De la manœuvre proprement dite on dira ceci, qu’elle a consisté en deux combats simultanés, mais sans lien entre eux,