Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

capitale entre les sciences de la nature et les mathématiques. Seules, les mathématiques étaient en grand honneur, Jansénius condamne « la recherche des secrets de la nature » comme une curiosité inutile, indiscrète, une « concupiscence de l’esprit. » Malebranche, à son tour, écrira : « Les hommes ne sont pas faits pour considérer des moucherons, et l’on n’approuve point la peine que quelques personnes se sont donnée de nous apprendre comment sont faits certains insectes, et la transformation des vers, etc. Il est permis de s’amuser à cela quand on n’a rien à faire, et pour se divertir[1]. » Il faut généraliser davantage, remonter à la cause de la haute estime du XVIIe siècle pour les mathématiques et de son mépris relatif pour la science concrète. Si les premières étaient si fort recommandées, c’était à titre, non de clef pour découvrir l’ordre de l’univers, mais de méthode utile pour exercer et perfectionner la raison. « On ne devrait se servir des sciences, déclare formellement la Logique de Port-Royal, que comme d’un instrument pour perfectionner sa raison. »

Quelle fut, en face de la science ou des sciences, ainsi distinguées dans leurs objets et dans la considération des hommes, l’attitude de Pascal ? Elle fut singulière, assez différente de celle de ses contemporains et de ses amis. Il est trop certain que, malgré son immortel cri d’effroi devant « le silence éternel des espaces infinis, » Pascal est très loin d’avoir eu la vision du Cosmos, telle qu’elle devait apparaître aux yeux d’un Humboldt ; mais il est un peu étonnant que, l’occasion lui ayant été offerte de lever au moins un coin du voile, il ne l’ait pas saisie avec ardeur. On ne peut s’empêcher de trouver étrange que les « hypothèses » de Galilée, et d’abord de Copernic, ne l’aient pas intéressé davantage. « Je trouve bon qu’on n’approfondisse pas l’opinion de Copernic. » C’était pourtant d’une tout autre importance que la découverte même de Torricelli ! Le renversement de l’ancienne cosmologie, n’est-ce pas, comme Renan l’a dit sans la moindre exagération, « la plus grande date de l’histoire de l’esprit humain ? » Je n’ai garde d’oublier que la dix-huitième Provinciale défend très éloquemment Galilée :


Ce fut en vain que vous obtîntes contre Galilée ce décret de Rome qui

  1. Cité par M. Faguet dans ses Études littéraires sur le XVIIIe siècle, p. VIII.