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miracles de l’Écriture, appuyés sur leurs démonstrations, étaient des faits, les faits les plus importans du christianisme, absolument prouvés et certains, couronnés et consacrés hier encore par le nouveau miracle, — indubitable aux yeux de Pascal, — de la guérison de sa nièce due à la Sainte-Épine. Tout est surnaturel dans les vérités de la foi. La science a ses mystères comme la religion. Si la science est certaine malgré ses mystères, pourquoi la religion ne le serait-elle pas aussi, malgré les siens ? La doctrine philosophique qui n’admet point de faits possibles hors de l’ordre de la nature est étrangère à l’esprit de Pascal. « Que je hais ces sottises de ne pas croire l’Eucharistie, etc. ! Si l’Évangile est vrai, si Jésus-Christ est Dieu, quelle difficulté y a-t-il là ? »


Nous ne portons point le même jugement que Pascal sur la valeur relative de l’une et de l’autre partie de son apologie, celle qui est une introduction générale et celle qui entre dans le détail des preuves. Aujourd’hui, ce que nous trouvons de solide, d’immortellement beau dans les Pensées, c’est ce que Sainte-Beuve nomme, avec Eugène Rambert, « la préface, » et M. Strowski « le roman : » c’est le sombre et magnifique tableau de la nature humaine. Quant au système des preuves historiques, démodé et caduc, les pages qui l’exposent nous sont devenues presque illisibles. Mais il y a une autre preuve, qui est aussi un fait et la grande nouveauté de l’apologie pascalienne : c’est la preuve expérimentale, celle que chacun de nous, — le pauvre d’esprit comme le prince de science, — peut faire en éprouvant directement par l’expérience la divine efficace du christianisme. Filleau de la Chaise en a tracé légèrement l’esquisse dans cette prose volontairement effacée et faible, qui est, au XVIIe siècle, le style commun, et dont la faiblesse même est un charme pour notre goût blasé qui force l’expression :


Quand il n’y aurait point de prophéties pour Jésus-Christ, et qu’il serait sans miracles, il y a quelque chose de si divin dans sa doctrine et dans sa vie qu’il en faut au moins être charmé.


Nous dirions aujourd’hui, en faisant saillir davantage l’idée profonde : les miracles et les prophéties sont, pour le christianisme, un fondement inutile ou même ruineux ; la démonstration qu’on croit en faire fût-elle d’une solidité à toute épreuve,