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espèce de retour sur moi ; mais uniquement parce que je sens toute la douleur et toute l’anxiété que vous cause le malheur d’un si digne jeune homme et qui mériterait tant d’être heureux, puisqu’il vous aime tant ! Je ne puis, ni n’ose rien vous conseiller dans une circonstance si délicate. Ma raison s’en rapporte à la vôtre ; et mon cœur se confie pleinement dans tout ce que le vôtre résoudra. Je n’aurais jamais, à votre place, le courage de réduire au désespoir, dans un moment de crise et d’autres malheurs, un être dévoué et généreux, et je ne désire pas que vous ayez ce courage. C’est tout ce que je puis vous dire : je vous approuverai, je vous aimerai de tout ce que vous ferez, pourvu seulement que je le sache, et que vous preniez garde, en reculant une peine si cruelle, à ne pas la rendre plus dangereuse et plus grave qu’elle ne l’est aujourd’hui. La disposition morale où je me trouve vis-à-vis M. Th.[1] n’a rien qui ressemble à du remords, parce que je n’ai encore aucune certitude qu’il soit malheureux de ce qu’il a perdu, et il ne faut pas faire à de vagues regrets l’honneur de les prendre pour de la douleur. Je serais bien plus près d’avoir de véritables remords pour cet excellent Auguste. J’ai besoin de croire, par respect pour son malheur, que je n’y suis pour rien ; et je ne vous ôte rien, à vous, si je vous aime autant que lui. Oh ! qu’il y a de certains momens où j’aurais besoin d’être sûr, bien sûr de mériter d’être aimé de vous, et que je ne serais point coupable en empêchant le monde entier de vous aimer et de se faire aimer par vous ! Encore une fois, puisez toutes les inspirations de votre cœur et de votre bonté : vous ne pouvez jamais que me faire souffrir, et non me déplaire ; et dans le cas actuel, ne craignez ni l’un ni l’autre.


Mary Clarke à Claude Fauriel


Edimbourg, 27 juillet (1822].

... Si j’avais répondu de suite à votre lettre dernière écrite, j’aurais grondé tout le temps, non par rapport à moi, mais par ce que vous me dites des importuns qui vous assiègent. Comment, cher, vous laissez-vous ainsi manger ? Vous éparpillez votre existence avec une prodigalité coupable ; assurément

  1. Amédée Thierry.