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heures et l’on se sépara en paraissant admettre que sur la question du titre il n’y avait désormais plus de difficultés. Ce n’était pas au fond le sentiment du chancelier qui se doutait bien que le Roi n’avait pas renoncé encore au titre d’empereur d’Allemagne.

Le matin même du 18 janvier, Bismarck rencontra le grand-duc de Bade et lui demanda quel titre il donnerait à l’Empereur. « Mais... empereur d’Allemagne, suivant l’ordre de Sa Majesté ! » répondit le grand-duc. Il lui confia qu’il venait de recevoir une lettre du Roi qui lui prescrivait d’agir ainsi, malgré l’opposition du chancelier. Bismarck se répandit en critiques amères contre son souverain qui le mettait dans l’impossibilité de bien remplir son mandat, puis il dit au grand-duc : « Si le Roi l’a ordonné, je n’ai plus rien à ajouter. Je laisse à votre jugement le soin de résoudre la question. » Dans ses Souvenirs, il précise ses observations : « Je fis valoir, dit-il, différens argumens pour lui démontrer que le vivat de la fin en l’honneur de l’Empereur ne pourrait être poussé sous cette forme. Comme argument le plus irrésistible, j’invoquai le fait que déjà le futur texte de la Constitution impériale nous était imposé par une décision du Reichstag. L’appel à la décision de l’Assemblée n’était pas un fait négligeable pour son esprit à tendances constitutionnelles, et le prince se détermina à aller encore une fois trouver le Roi[1]. » C’est dans le palais même de Versailles que le grand-duc osa faire cette dernière et hardie tentative.

La date du 18 janvier avait été acceptée par le Roi, sur la demande du prince royal, parce qu’elle était l’anniversaire du couronnement du premier roi de Prusse, date à laquelle chaque année à Berlin on célèbre la fête des Ordres au château royal pour perpétuer le souvenir de ce couronnement. La galerie des Glaces avait été choisie par le prince royal qui, dès le 20 septembre, avait écrit : « En contemplant ces salles magnifiques où tant de desseins funestes à l’Allemagne ont été formés et où la peinture représente la joie qu’a causée sa décadence, je conçois le ferme espoir que c’est ici que l’on célébrera la restauration de l’Empire et de l’Empereur. »

  1. Pensées el Souvenirs, t. II, p. 144.