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Dès le matin, par un jour pâle et froid, les députations des différens corps de troupes et les sommités militaires et civiles s’acheminèrent vers le palais de Versailles pour entrer à dix heures dans les grands appartemens de Versailles par le côté gauche de l’édifice qui donne sur l’Orangerie. Au centre de la galerie des Glaces et adossé aux fenêtres qui s’ouvrent sur le parc, sous la voûte qui porte par quatre fois la face du Roi-Soleil avec la fière devise : Nec pluribus impar, près de la statue de Mercure à laquelle fait face celle de Minerve, avait été dressé un autel en drap rouge que dominait la symbolique croix de fer. Autour de l’autel vinrent se ranger les députations de l’armée. La voiture du Roi, précédée d’une escorte de gendarmes, traversa la place d’Armes encombrée de troupeaux de bœufs et de moutons, de chariots d’approvisionnemens et de charrettes de foin qui formaient une haie pittoresque, mais peu solennelle. A une heure, le Roi entra dans le Palais, précédé du comte de Pückler et du comte de Perponcher, maréchaux de la Cour, et suivi des princes de la Maison royale et des princes héréditaires. Le souverain avait monté rapidement les marches du grand escalier de marbre. Comme il arrivait un peu essoufflé dans le salon des Princes, le grand-duc de Bade s’approcha de lui et crut sage de le supplier de s’en tenir à la décision prise la veille. Le Roi reçut fort mal ses conseils et se livra à de vives récriminations contre le chancelier. Le grand duc proposa d’exprimer le hoch ou vivat en des termes qui n’emploieraient ni l’un ni l’autre des titres en discussion. « Tu feras comme tu voudras, dit Guillaume irrité. Je me nommerai plus tard comme je l’entendrai, et non pas comme Bismarck le prétend ! » Puis il entra dans la galerie des Glaces, s’installa en face de l’autel, et le service religieux commença. Alors le prédicateur de division, le pasteur Rogge, prononça une allocution qui signala le caractère historique et sacré de cette cérémonie. D’après le Journal du prince royal, il fut naturellement fait allusion à l’ambition de Louis XIV.

Puis un chœur de soldats chanta le psaume : Tout l’univers loue le Seigneur. Quand le service religieux fut terminé, le Roi, très ému, alla prendre place sur l’estrade qui avait été élevée dans le fond de la galerie contre le salon de la Guerre. Là étaient rassemblés les soixante porte-drapeaux des régimens de la troisième armée. Le peintre officiel Anton de Werner a reproduit cette scène historique, — « le plus grand événement du siècle, »