Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/956

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son tempérament et à ne prendre aucune initiative en dehors de ses ministres. Cette promesse n’engage pas à grand’chose : cependant, on aurait tort de croire que ce qui vient de se passer ne produira pas des effets d’une certaine importance. Une leçon très rude a été donnée à l’Empereur, et il est trop intelligent pour ne pas en tenir compte ; il se surveillera désormais davantage ; il s’abstiendra de lancer un peu au hasard et dans toutes les directions des fusées qui, après avoir brillé d’un éclat rutilant, vont tomber où elles peuvent. On obtiendra cela de lui, au moins pendant quelque temps, peut-être même d’une manière durable, car l’âge qui vient s’ajoutera à l’expérience acquise pour peser sur lui et modifier peu à peu ses allures. Certainement, l’Allemagne y gagnera en sécurité. Quant à savoir si le Parlement y gagnera en autorité effective, c’est une autre affaire : les circonstances en décideront. Les parlemens bénéficient des fautes des gouvernemens ; mais ils ont besoin pour cela de fermeté et d’habileté.

Jusqu’ici, l’habileté du Reichstag a été inférieure à celle du gouvernement. Les partis qui voulaient une réforme constitutionnelle, au lieu de se mettre d’accord pour en proposer une seule, après s’être fait les uns aux autres les concessions nécessaires, ont soutenu chacun la sienne, depuis les socialistes qui poussaient naturellement au parlementarisme pur et simple, jusqu’aux radicaux, aux nationaux libéraux, enfin au contre, qui se seraient contentés de mesures de plus en plus atténuées. Le gouvernement n’avait qu’à s’abstenir lui-même pour que les partis, s’affaiblissant les uns par les autres, aboutissent à l’impuissance, et c’est ce qu’il a fait. Il y était aidé par la Constitution elle-même qui partage inégalement le pouvoir parlementaire entre deux assemblées, le Reichstag et le Bundesrat. Le Bundesrat en détient la plus grande part, et il était naturel qu’il ne vît pas d’un œil très favorable les entreprises envahissantes du Reichstag. Tout le monde sait que le Bundesrat, ou Conseil fédéral, représente les divers États de l’Empire, dans des conditions et des proportions adroitement combinées autrefois par Bismarck pour permettre à la Prusse de faire toujours pencher la balance de son sens. À côté du Conseil fédéral, le Reichstag, ou Parlement impérial, représente les citoyens de l’Empire : il est élu par eux au suffrage universel. Ses pouvoirs, que nous croyons malgré tout destinés à grandir, sont étroitement limités par la Constitution : ils le sont aussi par le caractère des députés, habituellement pleins de déférence pour le gouvernement. On vient de voir que ce sentiment peut disparaître dans une explosion subite, et c’est une expérience qui laissera sans doute des souve-