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gouvernail d’altitude flexible, et de gauchir les ailes. En 1901, ils agrandirent leur biplan avec lequel ils firent des centaines de glissades, dans les conditions atmosphériques les plus variées et avec un tel succès, au point de vue de la stabilité en marche, que le sentiment leur vint qu’ils pouvaient mieux, et plus. La forme des ailes laissait pourtant à désirer : une partie de l’année 1902 fut employée à les perfectionner, et ils y réussirent, comme le démontrèrent les expériences faites à l’automne. Quand ils s’aperçurent, après le voyage que fit Chanute en France dans l’intention de faire connaître leurs travaux, qu’un petit groupe d’hommes, les frères Voisin, le capitaine Ferber, etc., dont E. Archdeacon était l’âme, commençaient, à la suite d’un certain nombre d’essais plus ou moins heureux, à ramener la faveur publique vers les « plus lourds que l’air, » ils se décidèrent à doter leur machine d’un moteur à essence, qu’ils construisirent eux-mêmes dans le courant de 1903. Le 17 décembre de cette même année, ils réussirent, par un vent debout de 9 mètres à la seconde, toujours à Kitty-Hawk, quatre vols dont le plus long fut de 59 secondes et de 259 mètres mesurés sur le sol. Ils reprirent leurs expériences l’année suivante (1904), près de Dayton, au-dessus d’une prairie marécageuse et entourée d’arbres, avec un nouveau moteur. Dès le 14 octobre, ils savaient virer dans le vent, c’est-à-dire manœuvrer dans le lit du vent de façon à y décrire une courbe dont la projection sur le sol correspondait à la trajectoire à parcourir ; à tour de rôle, ils firent, ce jour-là, trois envolées circulaires, dont la plus considérable fut de 1 500 mètres environ, atterrissant chaque fois avec une entière sécurité. Les six longs vols dont on s’est tellement obstiné, en France, à nier la réalité, eurent lieu en septembre et octobre 1905, et ne prirent fin, chaque fois, que par suite d’une avarie de moteur ou d’un manque d’essence. Le dernier fut le plus important : Wilbur, en un peu plus de trente-huit minutes, parcourut environ 39 kilomètres. L’année 1905 datera donc dans l’histoire de la science : pour la première fois, enfin, l’homme ne se sentait plus humilié par le dernier des hochequeues.

Mais il s’agissait de tirer parti de tous ces travaux. Assurés d’avoir trouvé la machine volante si longtemps cherchée, les Wright jugèrent prudent de cesser des expériences qui commençaient à exciter par trop la curiosité de leurs compatriotes : une trop grande publicité eût pu devenir dangereuse pour leurs