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c’est l’immense variété qu’il a trouvée dans le cercle qu’il connaissait et la parfaite impersonnalité dans tout ce qu’il a écrit, qu’on pourrait croire fait par un esprit pur. Il faut que je relise Jules César ; peut-être y aura-t-il là le sentiment ou le pressentiment de nos révolutions.


Claude Fauriel à Mary Clarke.


(28 août 1826).

Vous ne comprenez pas le caractère de Hamlet : ni moi non plus, et je n’espère pas le jamais comprendre, il y a trop de choses qui me paraissent contradictoires : je ne conçois pas, entre autres choses, des doutes philosophiques sur l’autre monde de la part de quelqu’un qui a vu un revenant, qui lui a parlé et qui en a reçu des ordres qu’il trouve de son devoir d’exécuter. Du reste, il y a eu, ces jours derniers, dans le Globe, un article de je ne sais qui dont l’objet est de prouver que Shakspeare s’est peint lui-même dans Hamlet, et qu’il s’y est abandonné au plaisir de mettre au jour les individualités les plus intimes de son caractère et de son esprit. Tout cela est spirituellement tourné ; mais il n’y a, dans tout cela, rien dont je puisse être convaincu. Du reste je ne me tracasse nullement de ce caractère de Hamlet ; j’espère que quand le secret vous en sera révélé par un trait de lumière, vous aurez la générosité de m’en faire part ; et je vous promets d’avance de vous en être bien reconnaissant. Jusque-là, je croirai que les plus grandes cervelles humaines ont leurs lubies dont le secret n’est pas difficile à deviner, car il est dans la faiblesse et l’imperfection de l’humanité elle-même.


Claude Fauriel à Mary Clarke


(Août 1827].

Il y a si longtemps que je ne vous ai écrit, chère amie, que je n’ose pas me rappeler exactement combien. Tout ce que je puis vous dire pour excuser ce long silence, c’est que j’ai passé de tristes et pénibles jours durant lesquels j’aurais eu plus de besoin de recevoir des lettres de vous que je n’avais de capacité de vous en écrire. Votre dernière lettre m’a trouvé au moment où je venais de me faire faire de nouveau l’opération que vous savez, et qui cette fois a été bien plus pénible et plus grave