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que l’autre, m’étant décidé à suivre le conseil qu’on m’a donné, d’employer la cautérisation comme le plus sûr moyen d’empêcher le retour de ces odieuses importunités. J’ai été une dizaine de jours dans un état assez désagréable, et sans pouvoir bouger de mon trou ; et une dizaine d’autres jours à ne pouvoir sortir qu’à la nuit close, pour prendre un peu d’air. Je suis maintenant dans mon état et mes habitudes ordinaires, mais non pas sans d’autres tristesses ou d’autres vexations qui se sont succédé ou réunies pour m’éprouver. La mort de Mme Guizot[1], et le malheur irréparable de sa famille ont été un véritable chagrin pour moi. L’excellente femme est morte comme un ange qui serait descendu sur terre exprès pour nous apprendre à mourir. C’est une grande vertu, et une grande intelligence de moins dans ce pauvre monde. Ajoutez, à ces souffrances physiques et morales, les fatigues, plus grandes en ce moment que dans d’autres, de mon travail qui a nécessairement pâti un peu des mêmes choses que moi ; et vous aurez, je crois, un peu pitié de moi, du moins pour ces temps passés ; car Dieu merci ! me voici maintenant beaucoup mieux de corps et d’âme, sans être encore comme je voudrais, si vouloir faisait être.


Mary Clarke à Claude Fauriel.


(1828].

Dites-moi ce qu’il faut que je fasse pour supporter votre amitié pour Mme Belgiojoso[2] ! J’ai fait tout au monde pour m’y résigner ; j’ai des convulsions de larmes chaque nuit depuis que vous y allez. Je sais bien que je n’ai plus aucun attrait pour vous, je sais bien que toute femme vous plaît plus que moi : que puis-je faire pour m’y résigner ? à quel saint me vouer ? conseillez-moi ! Figurez-vous un instant que je suis votre sœur et ayez quelque tendresse pour me conseiller contre vous-même. Serais-je mieux si je cessais de vous voir ? J’ai perdu toute faculté de raisonner ou de juger pour moi. Ma vie est un combat pour vous cacher les peines et les jalousies qui me dévorent afin de ne pas vous déplaire encore plus, et vous m’aimez encore moins que l’année dernière.

  1. Mme Guizot, morte le 1er août 1827.
  2. Cristina Trivulzio, princesse Belgiojoso (née à Milan en 1808), une des héroïnes les plus romantiques au Risorgimento, qui inspira à Musset ses vers fameux Sur une morte. Voyez R. Barbiera, La principessa Belgiojoso, in-12, Milan, 1902 ; et H. R. Whitehouse, Une princesse révolutionnaire, in-12, Lausanne, 1907.