Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Mary Clarke à Claude Fauriel.


[1828].

Que de fois je vous ai demandé depuis deux ans, chaque printemps ou élu, d’aller avec moi une seule fois au bois de Boulogne ! Vous m’avez toujours dit que vous n’aviez pas le temps.

Que cela m’aurait fait plaisir si vous aviez été avec moi au Quai aux Fleurs ! Vous n’avez jamais eu le temps.

Vous l’avez trouvé bien vite pour aller chez Mme Belgiojoso au Faubourg du Roule. Que voulez-vous que j’en conclue pour peu que j’aie de logique ? Vous n’avez point manqué de temps pour aller chez Mme D... jusqu’à ce qu’elle se soit en allée. Lorsque je parle de ces choses, vous vous rejetez toujours sur le passé. Mais citez-moi une seule fois de ma vie où je n’ai pas accepté avec transport, oui, transport, d’être avec vous quand vous me l’avez proposé ? Rappelez-vous si, lorsque Cousin vous inspirait de la jalousie, — et c’est le seul temps où vous ayez éprouvé un peu pour moi ce qui m’a fait tant souffrir pour vous, — si j’ai jamais changé à cet égard le moins du monde ? J’ai passé une nuit exécrable il y a trois jours à cause de cette Belgiojoso. Je suis déterminée, dussé-je en mourir, à arracher ce que je sens pour vous de mon âme. Cette exécrable affection semble s’être agglomérée avec chaque fibre ; eh bien ! je déchirerai tout, oui, tout, car vous ne la méritez pas, vous ne me comprenez pas, jamais vous ne me comprendrez. Je voudrais m’écraser comme une misérable que je suis. Pour Dieu, donnez-moi, aidez-moi à avoir le courage de rompre avec vous. J’espère que si je ne vous voyais plus jamais, je serais mieux. Je jure ici par écrit de ne jamais vous demander d’aller nulle part avec moi, de ne pas regarder une fleur, un bois, un ciel avec vous ! Quand je me serai fait cette promesse, j’en détournerai ma pensée pour toujours : une espérance de moins est un mécompte d’épargné. Un mécompte, c’est une horreur.


Mary Clarke à Claude Fauriel.


[Paris], lundi, 1er juin 1829.

Cher Dicky,

Je ne comprends pas que j’aie pu vous laisser partir avant nous ; certainement, je dormais, quand je ne l’ai pas empêché