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aussi inégales arrivent rapidement à ne plus s’entendre, » si l’amour est un jeu d’échecs où, quand une des parties a perdu ses meilleures pièces, elle n’a plus qu’à prolonger son agonie tant qu’elle peut. Si j’étais le bon Dieu, je lui chanterais, à ce Constant, la chanson qu’il chanta à saint Crépin. Je n’en sais que la première ligne dont je vous régalerai cet hiver si vous voulez. Mais, mais, mais, mais, a-t-on jamais ouï pareils blasphèmes ? Ainsi, il prend pour l’amour une queue des idées du duc de Richelieu qui s’est embaumée dans son âme de député. Rien n’est plus mauvais que cette idée, parce qu’alors les femmes croient qu’il faut être honnête, et moi je soutiens qu’il n’y a que... Non, il faudrait trop chercher pour dire bien ce que je veux dire, et vous le verrez dans mon livre, car, Dieu merci, je m’en donnerai à gogo de dire ce qui me passe par la tête sur les idées vulgaires, et qui plus est, je vous le dédierai, si vous ne craignez pas pour votre réputation ! Seulement, il faut que vous m’enseigniez à bien écrire le français. Ledit livre à M. Constant a la taille mince et fluette (pas physiquement). Il y a de la finesse toujours, mais généralement ses idées finissent en tortillonnant, comme si elles avaient peu de muscles et n’avaient pas la force d’aller à pied. Il y a une réponse aux gens qui trouvent que la Terreur était nécessaire pendant la Révolution qui m’a paru juste et bien, mais il ne l’a pas assez développée. Il n’y a personne d’à présent, il me semble, qui ait plus de noblesse dans ses idées (excepté sur l’amour) et on ne lui rend pas justice.


Claude Fauriel à Mary Clarke.


(Gaesbeck] mercredi, juillet 1829.

Je n’ai point lu le livre de Constant, quoiqu’il soit ici. Mais sans l’avoir lu, je puis bien vous dire qui était Julie. C’était la première femme de Talma le Tragédien, et l’une des femmes de ces derniers temps qui avaient le plus de réputation pour leur sensibilité et leur esprit. Je l’ai beaucoup connue : elle ne m’appelait jamais que le sauvage, et je n’avais point d’autre nom dans sa société. Je ne sais ce qu’elle dit, ni ce qu’on lui fait dire de l’amour. Mais elle n’en pouvait guère avoir des idées bien relevées : elle avait débuté, Comme danseuse, dans les coulisses de l’Opéra, et puis avait été la maîtresse de plusieurs fats de