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Mary Clarke à Claude Fauriel.


8 janvier 1830.

Cher ami.

Cela me fait de la peine que vous veniez si peu et que vous alliez si souvent chez Mme Arconati[1]. Je l’aime bien, vous le savez, mais je me surprends toujours à examiner ses défauts quand vous y passez plus de temps qu’ici, et certes c’est ce que vous faites, car vous y allez souvent avant dîner et puis encore après. Vous y étiez sans doute hier, vous y étiez mardi, enfin aimez-vous autant être avec elle qu’avec moi, que vous y passez plus de temps ? J’ai rongé mes chagrins l’année dernière sur Mme D..., et j’ai eu tort : il eût mieux valu vous en parler de suite. J’ai eu mal à la tête pendant cinq jours, il y a environ trois semaines, parce que vous m’avez fait une peine atroce en me parlant durement et en me disant que je n’aimais pas la poésie... Je suis comme cela et je ne puis m’en corriger. Pouvez-vous vous modifier un peu, ou toute sympathie est-elle disparue entre nous ? J’ai brûlé les lettres que je vous ai souvent écrites lorsque vous me faisiez de la peine, je ne me suis pas permis une plainte sur votre retard de revenir à Paris si longtemps après moi, mais croyez-vous pour cela que je n’en aie point souffert et que je l’aie oublié ? Tâchez pour l’amour de moi et de vous-même, car après tout vous seriez plus heureux si nous étions plus en confiance ensemble, tâchez d’être plus aimable pour moi et de me voir plus souvent ; ou si vous ne le désirez pas, dites-le-moi tout net, pour que je me change pour vous et ne pâtisse pas, car, franchement, je suis tout à fait lasse de m’exhorter à la fierté et au silence et à la patience.


Claude Fauriel à Mary Clarke.


Paris, 12 juillet 1830.

Chère amie, j’attendais, pour vous écrire, la longue lettre que vous m’aviez promise ; mais votre maman ne m’a remis hier

  1. La marquise Constance Arconati parait avoir été, malgré cet accès de jalousie, la confidente la plus intime de Mary Clarke. M. de Mohl nous communique, en effet, une lettre que celle-ci lui écrivit en 1832. C’est, en deux pages, le résumé de cet amour douloureux, qui se heurtait et s’irritait constamment à l’indifférence d’un homme vieilli, gâté par les sympathies féminines, épris de sa tranquillité et un peu valétudinaire.