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soir que quelques lignes de vous : il est vrai qu’il y en a une qui vaut mieux à elle seule que la plus longue lettre ; celle qui parle de votre prochain retour. Puissiez-vous avoir dit vrai, c’est-à-dire être libre de tenir parole ! Je suis contrarié que vous pensiez encore à présent à ce voyage qui aurait pu être si agréable fait à temps et avec une plus belle saison. Si c’est pour moi et dans mon intérêt que vous y songez, je dois vous dire que l’idée de ce voyage est aujourd’hui un souci beaucoup plus qu’un plaisir pour moi. Il me paraît maintenant trop tard pour l’entreprendre : et ce serait faire une folie que de perdre du temps sur les chemins et dans les auberges, quand je vois le peu qui m’en reste pour m’occuper de ce maudit cours auquel je ne puis m’empêcher de penser tous les jours, et où je découvre tous les jours mieux que j’aurai plus de travail que je ne m’y attendais, en m’en tenant à voir la besogne de loin et en gros. J’avais tellement renoncé à la pensée de ce voyage, et l’horrible temps qu’il a fait jusqu’ici m’avait si bien guéri du plaisir d’y songer, que j’ai ébauché et avancé ici ce que je voulais aller faire là-bas. Nul doute que ce ne fût encore la peine d’y aller, sans la terreur où je suis de manquer du temps nécessaire pour les choses plus graves et plus urgentes. Quant à aller à Genève, je ne puis, dans aucun cas, y aller que d’ici ; et ce ne sera au plutôt qu’en décembre. Du reste, venez, voyez et décidez. Mais encore une fois, j’ai vraiment trop à faire, pour courir le moindre risque de perdre du temps ; et si ce sont des motifs de travail qui me décident, je ne bougerai certainement pas.


Mary Clarke à Claude Fauriel.


Bagnères-de-Luchon [24 août 1831].

Cher ami,

Lorsque je reçus la lettre de M. Mohl, il y a cinq ou six jours, me disant que vous aviez reçu ma lettre, j’eus tant de peine d’apprendre cette nouvelle par un autre que par vous, que mon mal d’estomac m’empoigna toute la nuit ; et jusqu’à présent la nuit avait été mon refuge. Si vous m’aviez seulement écrit une demi-page ! Enfin, c’est inutile ; car je devrais en mourir demain, que vous ne changerez point. Le fâcheux est que je ne puisse m’y accoutumer. J’y ai bien un peu habitué mon caractère et