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mes courses ; il est rare que nous ne dînions pas ensemble ; et cette habitude m’est devenue chère. Je ne vous parle pas d’un certain projet dont il a été jeté trois ou quatre paroles en l’air, et qui m’aurait transporté de la Sorbonne à la Bibliothèque. Il n’est plus question aujourd’hui de tous les beaux changemens qui devaient avoir lieu à cette dernière, de sorte que je n’ai plus d’occasion de perdre encore trois paroles, qui sont tout ce que je pourrais dire et répéter et qui ne serviraient à rien. Je ne vous donne point de nouvelles de Paris, puisque Mohl vous écrit ; je suis sûr qu’il vous tient au courant de tout ce qui en vaut la peine.

Adieu, chère amie, je vous écris à la hâte ces paroles, le cœur plein de mille tendresses qui ne s’écrivent pas. Soignez-vous, ménagez-vous, je vous en serai reconnaissant. Je ne sais rien de vos projets de retour : mais je suppose que ce sera vers la fin d’octobre. Il me semble que je n’ai jamais plus désiré votre retour ; et je jouis de la certitude où je suis d’en être heureux. Je vous envoie une masse de complimens et de tendresses pour Cold Overton : distribuez-les comme bon vous semblera : je voudrais cependant que Selina[1] eût la meilleure part. Adieu, encore une fois ; si je ne vous écris pas, croyez que je n’en pense pas moins à vous ; je vous prie de le croire. Adieu, chère amie.


Mary Clarke à Claude Fauriel.


Cold Overton, 2 octobre 1832.

Lorsque j’ai vu votre lettre ce matin, j’ai tremblé de la tête aux pieds. Il y avait si longtemps ! Elle était si ardemment désirée ! J’avais tant pensé, tant retourné toutes les raisons qui pouvaient vous empêcher d’écrire, tant veillé, tant prié, je m’étais tant raisonnée pour me résigner à n’en avoir point ! Car il me semblait impossible que vous ne m’eussiez pas écrit plus tôt si vous ne m’en vouliez pas mortellement. Je n’ai pu la lire, je me suis jetée à genoux toute en pleurs pour remercier Dieu de me l’avoir envoyée. Mon Dieu, que de tumultes dans mon âme, depuis que je suis revenue à la conscience ! Que j’ai regretté mille fois ma maladie ! Enfin je l’ai, cette lettre, je l’ai serrée, je l’ai baisée, j’ai couché dessus ma tête, mon visage, je ne pouvais assez la sentir, la palper, il me semblait que je ne reverrais jamais

  1. La fille de Mme Frewen-Turner.