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temps de la Fronde et les prodiges de la charité au temps de Monsieur Vincent, et la sourde guerre des libertins et le scandale abominable des empoisonneuses.

A travers ces aspects généraux de la vie au XVIIe siècle chevauche l’héroïsme de la Grande Mademoiselle et court la série lamentable de ses mariages manqués. Pauvre Grande Mademoiselle à qui son époque avait soufflé une âme cornélienne, quand la nature lui avait donné pour père Gaston d’Orléans ! On ne peut l’admirer sans sourire dans ses équipées guerrières, à Orléans, à Paris ; mais comme on la plaint, vieille fille gagnée à la manie amoureuse de la société nouvelle, pour le démenti que la réalité inflige à son rêve, et pour ce luxe d’humiliation qu’elle avait si peu mérité ! Arrivé aux dernières pages de ce récit, abondant sans être touffu, varié sans être disparate, et qui pas une minute ne donne l’impression de la longueur, on est fortement pénétré de l’idée qui a guidé l’auteur et qui fait l’unité du livre : c’est l’importance de cette « échauffourée » de la Fronde, dans l’histoire non seulement de Louis XIV, mais de la France. Car le Roi n’oublia jamais qu’il avait dû fuir sa capitale, chassé par l’émeute : il travailla sans discontinuer à affaiblir sa noblesse ; il mina lui-même la digue qui allait un jour, un jour prochain, céder au flot révolutionnaire. — Les mêmes qualités se retrouvent dans l’histoire de Madame, mère du Régent. Ce récit, qui achevait de paraître quand mourut Mme Arvède Barine, est trop présent à l’esprit des lecteurs de la Revue, pour qu’il soit besoin de le leur rappeler. L’écrivain rêvait maintenant d’un livre sur Mme de Maintenon. Elle était décidément conquise au charme passionnant de ces larges études.

L’œuvre de Mme Arvède Barine ne fait double emploi avec celle d’aucun autre critique de notre temps. Elle restera comme un modèle de pénétration morale, de jugement délicat et sûr. Elle continuera de plaire par le charme de la forme. Aucun appareil, aucune affectation ni recherche de style, mais une aisance de tour, une justesse d’expression, un heureux choix de mots, une souveraine simplicité. Encore, aux grandes études où Mme Arvède Barine mettait tout son effort d’écrivain consciencieux, faudrait-il joindre quelques-unes des chroniques où elle laissait courir sa plume, la bride sur le cou. Dans ces libres causeries elle se prêtait à la douceur des souvenirs et des confidences. Elle y traitait, à bâtons rompus, des choses d’aujourd’hui. Car, si elle semblait avoir élu domicile dans le XVIIe siècle, elle ne se détournait pas pour cela de son temps. Très intéressée, un peu affligée aussi, par le spectacle de notre société, elle suivait avec curiosité