Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par exemple, a plus de profondeur et d’unité, on peut trouver plus d’étendue à la péroraison du Crépuscule des Dieux.

Tout de même, trop est trop et chez ce diable d’homme, on le sait, il y a décidément de l’excès.

Trop de paroles d’abord, et qui peut-être ne veulent pas dire tant de choses. Mythologie, philosophie, morale, est-il bien sûr que tout cela tienne dans le cercle étroit de « l’anneau ? » Je l’avoue à ma honte, j’ai presque trouvé l’autre soir dans le poème symbolique du Crépuscule des Dieux des parties de mélodrame (le rôle de Hagen, le traître) et d’autres, — comment dirai-je ! — de vaudeville (épisode de la substitution, ou du quiproquo). Je sais bien qu’à la fin de la pièce Brunnhilde conclut en ces termes :

« Comme la fumée se dissipe, la race des Dieux a passé. Je laisse le monde sans guide. Mon haut savoir est le trésor que je lui donne. Plus de biens, plus d’or, plus de faste divin ! Plus de maison, ni de biens, plus de maîtres suprêmes ! Plus rien de la menteuse tyrannie des pactes obscurs et de la dure contrainte des hypocrites conventions. Pour être heureux, en joie ou en peine, faites régner seul, — l’amour. » Mais d’abord, le musicien n’a pas mis ces paroles en musique. Et puis, quand même ! Quatre soirées pour arriver à cette morale ! Un poète de chez nous, à propos aussi d’une histoire d’amour, avait dit cela, jadis, en un seul vers :


Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux.


Trop de musique aussi. Nous avons attendu cependant, pour assister au Crépuscule des Dieux, qu’on en donnât une version compatible avec nos habitudes épulatoires. Abrégée, allégée ainsi, l’œuvre dure et pèse encore terriblement. On se prend à souhaiter qu’elle vieillisse vite, que le temps, pour la consacrer, la mutile, et qu’elle trouve dans sa ruine la perfection de sa beauté. Sublime par fragmens, elle ne se soutient et nous ne la soutenons pas tout entière. Quelque chose en nous lui résistera, quelque chose d’elle nous rebutera toujours. Puisque symbole il y a, tenons pour symbolique la première scène. On y voit les trois Nornes, qui sont les Parques germaniques, ou scandinaves, dérouler la corde du destin. J’aime mieux leurs sœurs de Grèce. Puissent-elles nous revenir un jour et reprendre, en des mains plus douces, le fil plus léger de notre art et de notre avenir !

L’interprétation du Crépuscule des Dieux à l’Opéra n’est pas sans reproche. La traduction d’abord, œuvre de notre confrère défunt et