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II

Avant d’entrer à Saint-Sulpice il était passé par l’Université de Cahors : piètre milieu ! Les élèves étaient obligés d’intenter des procès à leurs professeurs pour les contraindre à faire les cours. Les grades y étaient donnés Dieu sait comme ; et Fénelon, croit-on, y aurait obtenu avant d’en partir le bonnet de docteur en théologie : or il en serait parti vers l’âge de treize ans !

De là, étant venu à Paris, il refit ou acheva ses humanités au collège Du Plessis. Ce collège, restauré après la mort et par la générosité de Richelieu, était à la mode : les familles nobles y envoyaient leurs enfans. Fénelon y apprit le dernier ton et les manières du jour (si du moins il eut besoin de les apprendre). Il n’y resta pas longtemps. Son oncle, le marquis de Fénelon, avait d’autres vues sur lui.

Le marquis de Fénelon était un singulier personnage : soldat farouche, duelliste forcené, il avait été converti par M. Olier ; il avait renoncé aux duels, il était devenu l’ennemi des duels ; il s’était marié par piété comme Racine. Veuf à trente ans, avec un fils et une fille, il s’était voué à ses enfans et aux bonnes œuvres. Il était un des hommes du parti dévot ; la reine mère l’estimait, et la jeune cour le considérait comme un ambitieux, un intrigant, un hypocrite. En 1667, son fils étant parti pour Candie, il le suivit, le vit mourir, et rentra à Paris. Son affection se reporta sur son plus jeune neveu, qui arrivait du lointain Périgord. Et ce fut lui qui conduisit Fénelon à Saint-Sulpice et à M. Tronson.

Saint-Sulpice était déjà l’admirable maison où se forme le clergé français. La mort de M. Olier, son fondateur, n’était pas bien lointaine : par le souvenir, M. Olier était encore vivant. On avait comme présens les événemens de sa miraculeuse histoire : vertus héroïques, rencontres providentielles, communications d’âme à âme, intuitions surnaturelles. Mais maintenant, par-dessus le merveilleux et le poétique et l’ardeur passionnée de la piété, ce qui gouvernait Saint-Sulpice, c’était le bon sens fait homme : M. Tronson.

Un visage rond, un regard paternel avec un petit brin de malice ; un air tranquille, que relève un sourire cordial ; un