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y avait de sublime en elle, répondait à sa sublimité naturelle. Ce qu’il y avait de confiant, satisfaisait son optimisme. Il était sans boue et sans passions ; les choses basses, grossières et transitoires ne lui inspiraient que répugnance ; quand il regardait en lui-même, il y discernait des tendances incertaines certes, et, toute une obscurité dont parfois il s’effrayait, une obscurité mouvante et vivante et bouillonnante : mais rien n’empêchait que cette obscurité ne recelât quelque fièvre divine. Et le voilà qui écoute Mme Guyon en disciple soumis et en petit enfant !


VI

Elle lui prescrit donc de renoncer à tout désir, ou tendance, quels qu’ils soient : oui, même au désir de perfection et de sainteté. « Il s’agit présentement de mourir à toute tendance... L’âme ne songe ni à perfection, ni à sainteté, et ne pourrait faire un pas pour la sainteté possible, parce qu’elle ne peut rien vouloir pour elle, ni par rapport à elle. » En même temps l’esprit si actif de Fénelon devra s’amortir, du moins sur le point de la vie mystique. « Pour la personne dont vous me parlâtes hier[1], il doit, le plus qu’il pourra, demeurer en simplicité, et dans une manière de cessation de toutes choses : ce qui ne s’entend pas seulement des choses extérieures, qui sont les moindres de nos distractions, mais cesser sur toutes choses l’action de son esprit rempli extraordinairement, à cause de la grande science, de sorte que l’esprit même agit dans le repos. Il faut laisser toutes choses, qui cependant ne se perdent pas pour cela ; mais elles seront purifiées de leurs espèces, la substance des choses restera. » Il évitera ensuite de trop épier, de trop gouverner sa conduite. « Je suis toujours plus convaincue des desseins de Dieu sur vous. Vous ne sauriez aller trop simplement avec lui. C’est ce qu’il veut de vous ; il ne vous demande pas vos œuvres, mais votre obéissance. Je vous prie en son nom de ne point examiner trop scrupuleusement vos fautes, mais de vous laisser tel que vous êtes. Dieu ne manquera pas de vous faire sentir ce qui lui déplaira ; mais, ce qu’il ne vous fera pas voir lui-même, ne le cherchez pas, votre volonté est droite comme il le désire... Dieu ne demande rien autre chose de vous ni de toutes les créatures

  1. Il s’agit de Fénelon lui-même.