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vous, que je suis assurée sans nul doute que, lorsqu’il vous fera proposer quelque chose, il vous donnera un mouvement très vif de le refuser ou de l’accepter, selon ce qu’il voudra de vous ; et il vous donnera là-dessus une idée fixe qui ne vacillera point… Au nom de Dieu n’hésitez point et ne consultez personne ; unissez-vous à ce pauvre cœur (celui de Mme Guyon), et Dieu vous donnera toutes choses, non certitude de lumière, connaissances, etc. (cela n’est pas pour vous), mais par une simple inclination de votre cœur. » De même plus tard. Mme Guyon écrit encore : « Dieu a mis dans vous, comme dans la terre, une source de fécondité : sans que la terre fasse nulle action, elle devient féconde. » « … Je vous dis que Dieu est incessamment appliqué sur l’âme droite et simple qui lui est continuellement exposée. Cette âme n’a qu’à demeurer simplement passive : Dieu la purifie de cette sorte et lui communique d’autant plus sa fécondité, que plus elle reçoit passivement ses opérations. » Et rien d’étonnant à cette divine fécondité (ici Mme Guyon arrive au cœur même et à la métaphysique de sa doctrine), rien d’étonnant, car l’âme a cessé peu à peu d’être « distinctement distincte » de Dieu ; elle est morte et Dieu vit en elle, pour elle : « Sitôt que les puissances sont toutes réunies. Dieu fait une autre opération, qui est de perdre ces puissances en lui, dans la même unité ; attirant toute l’âme en lui qui est le centre, ce qui s’appelle trépas. Après quoi, il la transforme en lui-même. C’est une véritable extase, mais extase permanente… Et lorsque cette âme est beaucoup passée en Dieu, que la volonté est disparue en ce qu’elle a de désir et de répugnance, et qu’elle ne se découvre plus, c’est alors que l’union essentielle est véritable, et que l’âme est passée de la mort à la nouvelle vie que l’on appelle résurrection. Alors l’âme, ne vivant plus en elle-même, étant morte à tout et passée en Dieu, vit de Dieu ; et Dieu est sa vie. Plus cette vie nouvelle et divine s’augmente et se perfectionne, plus la volonté se trouve perdue, passée et transformée en celle de Dieu. C’est alors que toute l’âme, réduite en unité divine, est retournée à son principe, dans toute la simplicité et pureté où Dieu la demande. « 

Fénelon fait certes des réserves. Il a, comme malgré lui, des répugnances. Il ne peut prendre sur lui de croire qu’il n’a qu’à se laisser aller, dans la conduite de la vie, à l’instinct secret. Il ne se dissimule pas combien de paradoxes philosophiques et