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Par exemple, Madeleine de Scudéry, devenue orpheline de bonne heure, fut élevée avec soin à la campagne par un oncle et dut à ce parent et aussi à son séjour aux champs une instruction étendue où entrèrent bien des connaissances pratiques.

Ce n’était même pas toujours une parente qui se chargeait de l’enfant, elle était confiée parfois à une famille étrangère dont un rejeton venait prendre la place vacante au foyer. Cet échange était pratiqué assez communément dans le Limousin. On voyait, à cette transplantation, l’avantage de soustraire l’enfant à l’influence amollissante des gâteries dont il pouvait être l’objet, de le soumettre à une plus rude discipline, de le faire profiter, pour son éducation, sa formation pratique, son apprentissage professionnel, des ressources qu’il n’avait pas à sa disposition dans son milieu originaire.

Les familles de la bourgeoisie rémoise se séparaient aussi de leurs filles pour les mettre en apprentissage, non avec la pensée qu’elles exerceraient un jour le métier auquel elles s’initiaient, mais pour qu’elles devinssent par là des maîtresses de maison plus accomplies. Cet usage était si conforme à la préoccupation de préparer les deux sexes à la vie pratique qui commençait alors beaucoup plus tôt, qu’il existait probablement ailleurs qu’à Reims. Il est certain, du moins, que, dès le XVe siècle, les familles notables de la bourgeoisie parisienne plaçaient leurs filles chez des lingères, à la fois pour les empêcher de rester oisives, les dérouiller de la gaucherie inséparable d’un contact exclusif avec la famille, les rendre habiles dans la lingerie et leur donner une teinture du commerce.

Le lecteur connaît l’intérêt passionné que mettaient nos ancêtres de la seconde moitié du XVIIe siècle à la diffusion de l’enseignement primaire et il sait d’où venait surtout cet intérêt. Nous n’avons pas besoin de lui apprendre qu’il s’agissait surtout pour la société de ce temps-là, pour ses chefs spirituels et temporels, de sauver les âmes, de s’assurer la possession des esprits, d’imprimer dans les consciences certains principes de conduite. Les sectateurs des nouvelles doctrines ne comprenaient pas autrement l’objet essentiel de l’éducation. Aussi revendiquèrent-ils la liberté d’enseigner avec autant d’ardeur que l’orthodoxie en mit à défendre son monopole. L’enseignement était, pour eux, la forme la plus efficace de l’apostolat. Ce prosélytisme pédagogique s’exerçait dans des écoles clandestines, et, comme