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Si, dans la suite, son amour pour Königsmark fut coupable, il lui unique, tandis que lui, au début de sa passion pour la princesse, se laissa entraîner dans une intrigue honteuse avec la comtesse Platen, qui, malgré ses quarante ans, s’était follement éprise du beau Suédois.

Dès 1691, Sophie-Dorothée commença à écrire au comte Philippe toutes les fois qu’il s’absentait. Leur correspondance s’étend de juillet 1691 à juillet 1694 avec des intervalles plus ou moins grands. Il existe trois dépôts de ces lettres, assez compromettantes, il faut l’avouer, pour la mémoire de notre héroïne.

L’un est entre les mains du duc de Cumberland, représentant actuel de la maison de Brunswick : ce sont des lettres saisies dans les appartemens de Königsmark après sa mort, emportées ensuite par le dernier roi de Hanovre quand il fut dépossédé par la Prusse et qui n’ont jamais été publiées. L’autre dépôt, également inédit, est dans les archives de Berlin et provient des papiers personnels de Frédéric II, petit-fils de Sophie-Dorothée : elles furent probablement saisies, comme les premières, soit chez Königsmark, soit chez la princesse. Enfin une troisième liasse de lettres appartenant à l’Université de Lund, en Suède, ont été jadis déposées entre les mains d’Aurore de Königsmark et de sa sœur la comtesse Levenhaupt, à qui la princesse et le comte Philippe, qui tous deux avaient la manie de ne rien détruire, confiaient pour les garder leurs dangereuses missives. Sur son lit de mort, la comtesse Levenhaupt remit à son fils ces feuilles, qui, disait-elle, « avaient coûté à son frère la vie et à la mère d’un roi sa liberté. »

Des mains du comte Levenhaupt, le dépôt passa par héritage au comte de la Gardie, qui le légua à l’Université de Lund. Les lettres de Königsmark sont celles d’un soldat, écrites un peu partout, en campagne, au camp, sur le champ de bataille. Toute la correspondance est en français, mais l’orthographe du comte Philippe est des plus fantaisistes, il écrit « can » pour quand, « sansaire » pour sincère, « astor » pour à cette heure, etc. ; ses anecdotes et ses expressions frisent souvent la grossièreté et le moi occupe une grande place même dans les pages où il parle de son amour. Sophie-Dorothée est plus fine, plus élégante comme écriture et comme style, mais souvent alambiquée et diffuse dans l’expression de sa pensée. Sa coupable passion pour