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pour toute célébrité, n’avait pu se dispenser en 1637 de prêcher une Octave du Saint-Sacrement à Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, paroisse voisine de la sienne, Saint-Sauveur. Il parla d’une manière si personnelle, que bientôt la foule accourut, amenée par d’Andilly, qui avait entendu le premier sermon, et qui avait sans doute reconnu dans le prédicateur quelqu’un de sa famille spirituelle. Ce fut une mode, et il fallut retenir les places. Mais si la Cour de Richelieu alla un instant en Pavillon, comme celle de Louis XIV devait, trente ans plus tard, aller en Bourdaloue, l’élan fut plus spontané et la mode moins imposées. La duchesse d’Aiguillon, nièce du cardinal, y vint comme les autres, et fut particulièrement touchée. Elle en parla à Richelieu, et celui-ci résolut de nommer Pavillon au siège vacant d’Alet. Après avoir consulté Vincent de Paul, dont il prenait souvent les conseils en pareille circonstance, il fut tout à fait décidé. Atterré du choix du cardinal, Pavillon se croyait indigne de l’épiscopat, et ne voulait accepter. Vincent de Paul lui assura « qu’il s’élèverait contre lui au jour du Jugement dernier avec les âmes du diocèse d’Alet destinées par son abandon à mourir à Dieu. » Pavillon résista longtemps, cherchant surtout son inspiration dans la prière. Mais une fois sa résolution prise, après y avoir, comme il disait, « beaucoup pensé devant Dieu, » il voulut répondre sans retard à la voix qui l’appelait, sollicita d’urgence l’expédition de ses Bulles, quitta la maison paternelle et s’enferma à Saint-Lazare, où il fut sacré le 22 août 1639. Le 8 octobre suivant, il quitta Paris, bien décidé à n’y revenir jamais. « Ses amis et sa famille fondaient en larmes, excepté Madame sa mère ; car, quoique cette dame aimât bien tendrement son fils, néanmoins sa piété solide lui fit voir ce départ avec des yeux fort secs. Et comme on était étonné, elle ne répondit autre chose, sinon : « Il va à son devoir ; je m’en dois plutôt réjouir que pleurer. »

Le diocèse d’Alet, supprimé par la Révolution française, était, au XVIIe siècle, avec ceux de Saint-Papoul, de Rieux, de Saint-Pons, de Lodève et d’Agde, l’un des moindres de la grande province de Languedoc, et Nicolas Pavillon, arrivé le 3 novembre 1639, après trois semaines de voyage, dans son village épiscopal, aurait pu, comme plus tard Fleury, nommé évêque de Fréjus, se dire évêque par l’indignation divine. Certes, le pays n’était pas banal. Lancelot lui-même, quoique du XVIIe siècle