Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

créa une procédure administrative pour permettre l’acquisition des terrains collectifs par les Européens.

En 1892, les opérations de la constitution de la propriété individuelle qui avaient été poussées avec vigueur étaient terminées dans le Tell pour 2 700 000 hectares et il ne restait plus à constituer que 900 000 hectares environ. Mais alors se manifesta dans la métropole un sentiment de commisération en faveur des indigènes : la Société de protection des indigènes prit la direction du mouvement ; la Commission sénatoriale lit entendre ses critiques ; divers rapporteurs du budget les appuyèrent, et l’administration dut arrêter net ses opérations. Ce fut sous cette pression de l’opinion que fut promulguée la loi du 16 février 1897. Son article premier posa en principe que l’administration n’aurait plus à se charger d’office de la constitution de la propriété et décida qu’il appartenait aux ayans droit d’en requérir la constitution. C’était rentrer dans le droit commun. Il avait fallu soixante-sept ans d’erremens, de vexations, de dépossessions de toutes sortes pour en arriver à cette conclusion !


IV. — DÉPOSSESSION DES INDIGÈNES

La dépossession des indigènes du territoire qui les fait vivre a été, comme on vient de le voir, le fait dominant de l’histoire de la colonisation algérienne. A travers les oscillations sans nombre, les indécisions fréquentes, les tâtonnemens incessans, les essais plus ou moins heureux, les programmes pris, abandonnés, repris, qui caractérisent la ligne de conduite de l’administration depuis trois quarts de siècle, un grand fait se dégage, constant, immuable, le but toujours poursuivi de l’accaparement des terres indigènes. Môme les mesures inspirées par la bienveillance à leur égard comme le sénatus-consulte de 1863 ont tourné à leur détriment. En fait, depuis 1840, année où prévalut l’idée de la colonisation officielle, pas une année ne s’est écoulée sans que, par un procédé ou par un autre, avec un zèle inégal et à travers des fluctuations d’opinions, l’administration n’ait cessé de poursuivre son but. L’éviction des premiers possesseurs du sol a suivi depuis cette époque une marche continue et il est curieux d’en relever, décade par décade, les étapes progressives.