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De 1841 à 1851, la colonisation officielle étant inaugurée, 115 000 hectares sont distraits pour créer ou agrandir des villes et villages. De 1851 à 1861, 250 000 hectares sont aliénés. De 1861 à 1871, on concède près de 400 000 hectares ; de 1871 à 1881, 401 099 hectares ; de 1881 à 1891, 176 000 hectares ; de 1891 à 1901, 120 097 hectares ; de 1901 à 1905, 142 000 hectares : en tout 1 600 000 hectares environ. Mais ces 1 600 000 hectares ne représentent par seuls la surface territoriale dont les indigènes ont été privés : il faut y joindre les 800 000 hectares du Domaine actuel et 2 700 000 hectares de forêts domaniales et communales sur lesquelles, avant la conquête, ils avaient un droit de jouissance, et dont la fermeture, après la conquête, s’est traduite pratiquement pour eux, par suite de l’application à l’Algérie de notre Code forestier de 1827, par l’interdiction absolue du pacage dans certaines forêts et sa limitation dans certaines autres En somme, c’est sur 5 millions d’hectares que des limites ont été apportées, depuis la conquête, à la jouissance, ou aux facultés légales d’exploitation du sol par les indigènes.

Cette dépossession du sol n’a pas été sans influer sur l’état économique et social d’un peuple qui vit à peu près exclusivement de la culture de la terre. Toutefois, au début, les premières aliénations qui furent volontaires n’occasionnèrent ni souffrance ni gêne. De 1830 à 1840, lors de la période de la colonisation libre, à l’époque où les colons s’installaient avec leurs propres capitaux dans le pays, on peut même dire que la colonisation ainsi pratiquée fut pour les indigènes un bienfait. Les colons libres avaient trouvé eux-mêmes la formule de l’association, et, mieux que de l’avoir trouvée, l’avaient consciencieusement et loyalement appliquée. Les besoins en main-d’œuvre des exploitations étendues des Européens transformaient Arabes et Kabyles en associés effectifs. D’autre part, les terres défrichées par les colons n’appartenaient qu’en très faibles quantités au patrimoine utile des populations locales. C’étaient des terrains vacans ou des disponibilités territoriales obtenues par des transactions et des partages aisément supportés par les indigènes. Les terrains du Sahel autour d’Alger, d’Oran et de Bône, qui furent d’abord colonisés, étaient tous en coteaux, broussailleux, d’un défrichement difficile, et d’un faible rendement en céréales ; la plaine qui les prolonge et qui fut colonisée de 1840 à 1850, était en général marécageuse, insalubre ; et les terres profondes et